Le Parlement revit sous le masque. Tout doucement, les députés reviennent, les salles se réveillent, et les débats reprennent. Et en espérant que tout soit comme avant…

Des traités de libre-échange, comme avant

Jeudi 28 mai, à 9 heures, commission du Commerce International (INTA). Warborn Jorgen présente — à distance ! – un rapport sur la politique commerciale de l’Union et les négociations d’accords de libre-échange. CETA, Mercosur, Mexique, Vietnam, Japon…. La scène est surréaliste. Dans la grande salle, une dizaine de députés portent leurs masques, respectent la « distance sociale » recommandée, et attendent qu’interviennent des députés confinés chez eux, intervenant en téléconférence. Mais le rapporteur n’a rien vu, rien appris et rien compris. Mais la majorité des intervenants se félicite du travail accompli, se félicite des accords de libre-échange conclus ou en cours, se félicite que les « supply chains » s’allongent et incluent les entreprises de nouveaux pays. Mais la commission s’engage pour moins de barrières au commerce, plus d’ouverture des frontières, plus de mobilité des biens, des services et des hommes, plus de quantités échangées et plus de mobilité entre les continents.

Où sommes-nous ? Dans le monde d’avant. Dans le monde qui refuse l’évidence ; l’ouverture des frontières, la mobilité des biens, des services et surtout des hommes est directement à l’origine de l’extension de la pandémie. La circulation des images et « informations », ou plutôt des chocs émotionnels fabriqués, a provoqué une panique collective, moins d’ailleurs dans les populations européennes que dans des appareils d’État terrifiés de voir leur responsabilité mise en cause, et dont beaucoup ont cédé au « toujours plus » — de sécurité, de confinement, d’arrêt des activités. Dans le monde qui ne veut pas voir ce que tout le monde voit ; la pandémie est directement liée à la pression croissante que l’exploitation des ressources fait peser sur les écosystèmes, partout dans le monde, et dont le trafic d’espèces protégées n’est qu’une expression parmi d’autres. La pandémie est une maladie de la globalisation, et le retour des limites, des frontières et de l’éloignement relève du salut public.

Expliquer que le monde d’avant est fini

J’interviens pour mettre en garde la Commission. Nous sommes dans le monde d’avant, alors que la priorité sanitaire nous commande d’entrer dans le monde d’après – le monde d’avec la menace permanente, intégrée, des effondrements sanitaires, écologiques, donc politiques et sociaux que notre régime de croissance accélère. Voilà ce qui va commander la nouvelle politique commerciale ; la sécurité passe avant l’abondance, elle exige la maîtrise des échanges internationaux. La priorité sanitaire s’impose au commerce international. La santé compte plus que la hausse des échanges.

La protection aux frontières compte plus que la fluidité des échanges. Et le vrai coût des transports est à payer, comme le vrai coût de la pression sur les ressources rares. La sortie de crise se fera par la recherche de l’autonomie dans les filières stratégiques, comme la pharmacie. Elle se fera en révisant le statut des fournisseurs de services et biens vitaux, qui ne peuvent pas être mus par le seul intérêt de leurs actionnaires ; au moment où des entreprises pharmaceutiques menacent de poursuivre des États qui ont plafonné le prix des médicaments, comment laisser le rendement financier diriger l’hôpital ?

monde d'avant impot commerce

Elle se fera en votant et en appliquant les lois qui punissent réellement les crimes contre l’environnement, par exemple en excluant les activités reconnues polluantes, non respectueuses des règles nationales de protection de l’environnement, de toute protection au titre des investissements étrangers. Elle se fera en assurant le respect effectif des normes européennes dans les pays fournisseurs, et en subordonnant tout traité commercial à la réalité de ces contrôles sur pièces et sur place ; chacun devrait connaître les élevages vitrines montrés aux députés lors des voyages d’études en Amérique du Sud, pendant que la réalité de l’élevage se fait dans des « feedlots », véritables pourrissoirs d’animaux entassés !

Et elle se fera en appliquant sans faille le principe de précaution ; s’il y a doute sur la qualité sanitaire d’un produit, sur sa conformité aux préférences des Européens, sur sa capacité à générer des addictions ou des troubles de santé, il n’y a pas doute, le produit d’entre pas ?? (attention) en Europe !

Le Président de la commission, le subtil Bernt Lange, est trop averti pour ne pas le savoir ; si elle continue sur son erre, la commission INTA et l’Union européenne derrière elle vont dans le mur. Et avec elle, la perspective de conclure des accords raisonnés, limités, contrôlés, conformes aux urgences environnementales, sociales et stratégiques qui mobilisent les Nations.

L’obsession de continuer comme avant, comme si rien ne s’était passé, peut à tout moment déterminer une révolte des peuples européens, et derrière elle, le refus des gouvernements de sanctionner les accords de libre-échange et de poursuivre la politique aveugle des mandats exclusifs de négociation des accords commerciaux confiés à la Commission — plus de 200 en 8 ans !

Cette Europe-là qui n’a rien vu, rien appris et rien compris ne sait pas encore qu’elle est morte. Le commerce international doit être refondé pour tenir compte de l’impératif stratégique d’indépendance, pour intégrer l’objectif de relocalisation et de proximité, pour exprimer l’exigence de responsabilité territoriale des entreprises.

Mais combien de temps faut-il à un fonctionnaire européen pour comprendre que le monde de 2020 n’est pas celui dont l’Union européenne a rêvé mais celui du cauchemar globaliste ?

      Hervé Juvin, le 28 mai


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