Responsabilité Nationale des Entreprises, propriété nationale des infrastructures, fonds souverain de la vie, modèle coopératif pour un capital-risque national ; et si l’intérêt national était le secret de la nouvelle économie ?
Tous les pays défendent leurs intérêts
Intérêt national, le terme en fait un gros mot. Tous les autres pays européens protègent jalousement leurs intérêts nationaux. Exemples ? SAAB en Suède : protégé de toute incursion américaine. L’aéroport de Schiphol et Damen aux Pays Bas. Le secteur aérospatial en Allemagne, avec OHB imperméable à toute entreprise étrangère (et les Allemands préfèrent un lanceur américain à Ariane Espace !) Les hélicoptères en Italie. Inutile de citer les États-Unis, farouchement protectionnistes pour eux-mêmes, l’Inde, impénétrable sans entente avec les familles régnantes, la Chine bien sûr, et tous les autres.
France : liquidation générale…Quid de l’intérêt national ?
Victime de la naïveté avec laquelle ses élites auto-désignées adhèrent à l’idéologie européenne de l’ouverture, et en rajoutent sur les traités de libre-échange, la France abandonne ses actifs stratégiques pour de vaines promesses politiques, alors qu’elle avait constitué des géants de dimension mondiale dans tous les grands secteurs industriels où se jouent puissance et souveraineté (énergie, télécoms, nucléaire, armement, construction navale, aéronautique et spatial, etc.).
Et la liquidation continue ; après les autoroutes (que les forces de l’ordre ne pouvaient emprunter en mars dernier en raison du coût des péages que les sociétés concessionnaires exigent des policiers, comme des gendarmes et des pompiers), au tour des aéroports d’ADP (les services de sécurité s’alarmaient récemment de la réduction des surfaces réservées aux douanes qui seront allouées au commercial, rentabilité du m2 oblige).
Intérêt national : ce qui prime l’économie, le rendement financier, et le droit. Ce qui a été rendu indéfendable, par la double soumission à l’idéologie européenne, si bien imposée à l’ENA par Mme Loiseau au détriment du corpus administratif et juridique français, et à un individualisme ravageur, que résume la formule de Mme Thatcher ; « la société, ça n’existe pas ». Ce qui est devenu invisible, depuis que tout a été mélangé, brouillé, travesti, pour que les liquidations successives de nos outils stratégiques ne soient pas perçues par le peuple français. D’Alstom à Airbus et du Rafale à Morpho (Safran), n’apparaissent que des éléments épars d’un tout qui n’est jamais montré.
Alcatel, Alstom, Technip, Areva, les autoroutes hier, aujourd’hui Airbus, ADP, et demain qui ? L’agro-alimentaire, le BTP, le système éducatif, d’abord, contre lesquels des ONG et des géants de l’Internet américains préparent l’offensive, après eux, les côtes, les espèces animales et végétales endémiques, notre patrimoine vivant, que restera-t-il à brader pour fournir des mandats aux banques d’affaires et des cibles aux capitaux nomades ?
Les succès industriels ont été le résultat de projets nationaux intégrés à une politique de puissance et d’indépendance, ancrés sur des territoires et sur l’unité des Français. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
La liste est longue et ne cesse de s’allonger. Quelques-uns des plus beaux fleurons industriels et technologiques français ont été vendus, dépecés, mis sous contrôle, et il n’en reste rien. Récemment encore, l’obsession financière a fait vendre Morpho, pépite du futur, elle a failli sacrifier Alstom transport, elle liquide les Chantiers de l’Atlantique et peut réduire à la portion congrue Naval Group, nouveau nom de DCNS.
L’Allemagne s’intéresse à un réseau bancaire français en Afrique, les banques françaises quasiment toutes devenues systémiques depuis que l’obsession centralisatrice a détruit les banques régionales de plein exercice quittent l’une après l’autre les pays non alignés ; pas besoin de les racheter, le terrorisme du droit américain servi par la militarisation du dollar suffit à les tenir sans débourser un dollar de capital (soyons clairs ; une banque soumise au monitor américain, aux cabinets de conseil en conformité et aux lawyers américains n’est plus une banque française). Et jusqu’aux services de sécurité français qui, au nom du prix le plus bas et de la meilleure offre, confient leurs données à Palantir, une filiale de la CIA !
Les rodomontades du ministre Bruno Lemaire n’y changent rien. Le pillage de la France se poursuit. Industrie, technologies, infrastructures, bientôt les terres, demain la vie ; ceux qui jugent la réussite de leur politique à la fortune de leurs amis, de leurs financiers ou de leurs donateurs exploitent la France comme n’importe quelle colonie ; puisqu’être Français n’a plus de sens, puisqu’il n’y a plus ni culture, ni identité nationale !
Si les frontières doivent s’ouvrir, si chaque femme, chaque homme est appelé à poursuivre le bonheur là où ses pas le portent, si les Nations sont appelées à se dissoudre dans le grand tout mondial, l’intérêt national n’existe pas, et chacun n’a pour loi que celle de son intérêt individuel. Voilà pourquoi Alain Madelin interdisait que soit prononcé le mot de « stratégie industrielle ». Voilà pourquoi le commissariat au Plan a été transformé en une vague commission de la prospective. Voilà pourquoi les outils de l’expertise publique et de la définition de politiques économiques cohérentes ont été démantelés, privés de pouvoir, ou simplement supprimés.
Voilà pourquoi le gouvernement d’Emmanuel Macron travaille à remplacer les fonctionnaires d’Etat par les salariés d’Agences investies de missions publiques, mais ne bénéficiant pas de l’indépendance apolitique que permet le statut de fonctionnaire, donc plus aisément soumis aux lobbys et aux pressions des financiers. Et voilà pourquoi pullulent les autorités administratives indépendantes, pendant que les traités internationaux sont soustraits aux tribunaux pour être jugés par des cours privés d’arbitrage, de manière à ce que les intérêts économiques et financiers échappent aux lois, aux tribunaux nationaux, à la volonté populaire et au suffrage démocratique.
Les Français comme les Européens doivent y réfléchir. Toutes les innovations qui font la force des États-Unis, comme aujourd’hui de la Chine, ont été financées par la recherche militaire, portées et imposées par l’autorité publique. Être fort chez soi est le préalable à la puissance extérieure. À long terme, il n’y a pas de différence de nature entre dépenses civiles et militaires, entre intérêt privé et intérêt national. À long terme, nous gagnerons tous, ou nous serons esclaves.
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