À Paris, dans une discrétion remarquable, des chefs d’Etat ont parlé du financement de la transition écologique en cette fin de juin 2023. Tout forum international se doit de respecter quelques points de passage obligés.

Le premier est de répéter encore et encore à quel point le dérèglement climatique est une réalité qui menace le futur de la planète et demande des réponses globales – entendez ; laissez-le pouvoir à des organismes supranationaux, non élus et non contrôlés, ils sauront mieux que les Etats ce qu’il faut faire. Le pouvoir que s’est arrogé le WHO ( World Health Organization), qui n’a rien fait pour mériter le respect, mais fait bénéficier ses dirigeants d’une impunité bien utile, et dépossédé les Etats de leur mission de protéger la santé de leurs citoyens, en donne l’exemple.

Le second est d’appeler au développement, plus convenable que la croissance, un développement fondé sur les infrastructures, et bien entendu, un développement vert – « go green ». Et, en Asie comme en Afrique, de dérouler la liste des projets qui assureront les conditions d’un développement fort, effectif et durable ; des aéroports, des ports, des routes et des autoroutes, le tout réuni sous le mot de connectivité, sous l’idée de l’intégration des continents à eux-mêmes, porté par l’intérêt supérieur du commerce. Plus de marchandises allant plus vite, plus loin, et surtout, partout – dans tous les sens à travers les nouveaux continents unis par le commerce ; plus d’hommes dans les avions, les trains, les metros, allant plus souvent et plus vite partout, pour le travail, pour le loisir, ou pour rien. Et plus de proximité, de contacts, d’uniformisation et de conformité – mêmes hôtels, mêmes enseignes, même multinationales, puisque le destin du voyageur, est de demeurer partout chez lui – de bouger sans jamais partir.

Le troisième est de faire appel à l’investissement. Car il en coûte de l’argent de construire des infrastructures, de financer ces projets et de les maintenir. Car il en coûte de l’argent de verdir les activités, de remplacer les moteurs thermiques par de l’électrique, de changer les chauffages, de refaire les immeubles et les maisons, les universités et les bureaux, et de mettre en place les systèmes d’expertise, de classements et de normes, de contrôle et de sanctions qui rendront le verdissement réels – feront obéir la société au chemin choisi pour elle, et imposé de l’extérieur. Il en coûte de détruire ce qui a été construit, d’abandonner l’ancien, pour répondre aux normes, aux concepts et aux modes.

Et il en coûte encore plus d’argent d’assurer aux gestionnaires de capitaux les rendements attractifs qui leur feront oublier le risque, les pertes sur les « actifs échoués », ces investissements passés que le « go green » rend sans valeur, et qui paieront l’immense appareil à mettre en place pour rendre effectif le verdissement dans tous les secteurs et tous les domaines de l’activité et de la vie. Il n’y a pas de prix pour se verdir, et maints entrepreneurs dans les éoliennes, le solaire, ou les formations aux renouvelables et la certification des logements ont dégagé des rentabilités supérieures à 30 % annuels – puisque c’est pour le bien ! Qui s’étonne que les plus grands gérants mondiaux, qui contrôlent le capital des multinationales, aient adopté avec enthousiasme l’agenda Vert ?

Il serait malvenu de faire trois remarques, qui pourtant vont s’imposer très tôt.

D’abord, signaler l’éclatante contradiction qui veut que tant de ports, d’aéroports, de trains et d’autoroutes soient compatibles avec l’obligatoire lutte contre le dérèglement climatique. Éclatante surtout quand des forums ont lieu à Dacca, Delhi ou Singapore, et qu’il fait 45 dehors ! Il n’y a pas d’énergie qui ne contribue pas au réchauffement – même le nucléaire, pourtant le plus décarboné de tous. Il n’y a pas de transport, pas de mobilité qui n’entraînent pas un réchauffement ; c’est vrai de la marche à pied comme de la ronde des porte-conteneurs ou de la charge des véhicules électriques, et il n’est pas d’infrastructure qui quelque part n’a pas demandé des consommations de ressources naturelles – le seul bénéfice écologique du moteur électrique étant qu’il pollue ailleurs, là où l’électricité est produite, là où les batteries sont produites, là où les terres rares ou le lithium sont produits ; à ce titre, le moteur électrique est le symbole même de la globalisation – faire faire ailleurs ce qu’on ne veut pas chez soi ! Et il n’y a pas de commerce au-delà des frontières, par-delà les océans, les montagnes et les frontières, qui ne contribue pas au dérèglement du climat. 

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Ensuite, d’en appeler à des solutions globales, entendez ; mises en place par ceux qui contribuent le plus au dérèglement du climat. Aux coupables de réparer leurs crimes ! Le dérèglement du climat n’est pas venu de l’activité des entreprises locales ou régionales, des communautés travaillant à satisfaire leurs besoins quotidiens et à maintenir ou améliorer leur cadre de vie tel que des siècles d’adaptation réciproque de l’homme à son environnement et de son environnement à l’homme l’ont déterminé. Le dérèglement procède d’abord de la mondialisation des échanges, de la globalisation du modèle de consommation de masse, et de l’extension planétaire des échanges et des transports commerciaux qui sont les raisons d’une croissance de tout – plus d’énergie, plus de matériaux, plus de plastiques, plus de chimie, plus d’animaux dans les élevages, et plus de population dans le monde.

Sans moteur, pas de dérèglement climatique d’origine humaine. Sans révolution industrielle, pas d’anthropocène. Le porte container, la multinationale et la religion du développement – qui a le droit de ne pas se développer ? – sont les coupables impunis du dérèglement climatique. Et ils en sont les bénéficiaires, puisque la globalisation des questions climatiques se déroule entièrement à leur avantage, contre l’intérêt des artisans, des petits commerçants, des PME prises au piège des normes globales – et de la captation réglementaire que les lobbys assurent au sein d’institutions qui n’ont rien de démocratiques, ni de transparent. Le changement cimatique est une bonne affaire pour les multinationales, pour les myriades de sociétés de « conseil » qui prolifèrent sru l’escroquerie de la RSE et de l’ESG, pour les institutions supranationales qui s’arrogent le monopole du Bien pour en finir avec la souveraineté des Etats et avec la démocratie – que la fille de John Kerry, si prompt à rappeler à l’ordre les peuples européens, soit chargée de faire le lien entre lutte contre le dérèglement climatique et l’OMS n’est pas une bonne nouvelle pour l’Europe ! 

Enfin, de se satisfaire d’un désordre monétaire et financier qui fait danser ses acteurs au-dessous du volcan qu’ils ont rallumé. D’abord parce que des rendements supérieurs à quelques % sont incompatibles avec les taux de renouvellement naturel des ressources et des organismes vivants, et signifient l’extinction de ces ressources et du vivant – l’agriculture industrielle comme celle de précision inventée par les agrochimistes avec la complicité de Google, signifie d’abord la stérilisation des terres, à moins d’une génération.

Ensuite, parce que l’enrichissement sans mesure autorisé par de tels rendements nourrit des comportements dévastateurs fréquemment dénoncés, jamais réellement limités – des superyachts aux avions privés, la consommation n’a plus les limites que l’appartenance, la décence ou la loi imposaient. Ceux qui sont de nulle part, sans origine, sans histoire et sans liens, n’ont que leur argent pour exister. Enfin et surtout, parce que la création monétaire qui facilite ces investissements, et qui est le deus ex machina derrière les montants faramineux des investissements réalisés dans la transition écologique, signifie un chèque blanc donné sur la nature – si un dollar de 2023 vaut un dollar de 2000, alors que la masse des dollars en circulation a plus que doublé, cela signifie que deux fois plus de produits, de ressources, d’énergie, de tout, peuvent être achetés par ces dollars, donc que la pression sur les ressources a doublés. Comment ne pas rappeler Milton Friedman, comme le faisait récemment Philippe d’Arvisenet ;  » too much money, too few goods ».

Et voilà où le scénario explose. Soit les dollars ne valent plus que la moitié de ceux de 2020, et à leurs porteurs de se réveiller de leur songe ; ils n’ont que la moitié du pouvoir d’achat qu’ils croient avoir. Soit les dollars doivent garder leur valeur, et tout l’or, tout le pétrole et le gaz, toutes les terres et les arbres, les légumes et les bêtes qu’elles portent, n’y suffisent pas – et tout ce qui est réel doit être converti en argent. Le scénario réaliste est double. A la fois la pression sur les ressources va continuer d’augmenter, et la transition aura seulement été un moyen de la bonne conscience, ajouté à des manipulations stratégiques ciblées pour détruire les économies adverses ou concurrentes. À la fois la valeur de la monnaie de confiance, la fiat monnaie en circulation, nos dollars, euros ou yuan, va s’effondrer, et avec elle, les dettes libellées en monnaie – les obligations d’Etat comme les dettes privées. Voilà bien pourquoi les banques centrales s’emploient à remplacer les monnaies par leur monnaie digitale de banque centrale, indéfiniment manipulable, et voilà pourquoi des accidents financiers de grande ampleur deviennent crédibles, que ce soit en Chine, où nous ne savons à peu près rien de la sortie de la crise immobilière et des cessations de paiements des banques régionales, ou dans des pays occidentaux drogués à la dette publique et privée pour laquelle le reste du monde ne veut plus payer, ni fournir.

Et sur un monde en révolution, ou en flammes, quelqu’un plantera un drapeau vert.    

Hervé Juvin

Juin 2023

Catégories : Ecologie

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