Combien sont-ils à en avoir fait le fond de leur réflexion, sinon leur fonds de commerce politique ? Le spectre de la barbarie n’a cessé de hanter le discours public, la conscience des bons auteurs, et de séparer les bons — nous, à l’Ouest, dans le jardin de Josep Borell — des méchants, ces « rogues states », que sont les autres – the Rest, la jungle et les fauves. A moins bien entendu, qu’ils n’adoptent nos « valeurs » et les recommandations du FMI qui vont avec.
La barbarie est loin, dans le temps comme dans l’espace. On nous l’a dit, et répété. Si la barbarie poussait parfois sa pointe, ce n’était, ce ne pouvait être que le fait de cette extrême droite si utile pour étouffer le débat politique. D’ailleurs, Hannah Arendt a été fort critiquée pour avoir osé proclamer « la banalité du mal » dans son reportage sur « Eichmann à Jérusalem » — non, le mal n’est pas banal, il est le fait de fous, de maniaques, de malades, etc. ont dit les critiques. Que les Allemands nazis aient été comme nous, voilà ce qui ne peut se concevoir. Et voilà pourtant que les signes se multiplient pour dire que la barbarie est chez nous, qu’elle s’affirme chaque jour, impunie, sûre d’elle-même et de son bon droit, soutenue par les meilleurs arguments pour briser les barrières que la raison, la mesure et la civilisation lui opposaient. Mais qui le dit, qui la voit, qui la dénonce ?
La barbarie est chez nous
Dans un débat télévisé, le sujet porte sur l’épuration ethnique nécessaire de la Crimée après la victoire de l’Ukraine. Comment éliminer la population russe, désignée « indésirable » et citée sans vergogne comme une nuisance ? Dans une émission présentée comme un « débat » sur LCI, il a été dit que les Russes qui ont quitté la Russie pour se réfugier ailleurs sont « des cloportes qu’il faut écraser ». L’animateur, faut-il l’appeler ainsi, n’y a rien trouvé à redire.
Un jeune violoniste, Lozakovitch, devait donner un concert à Paris, attendu par tous ceux qui le considèrent le plus grand violoniste au monde. Mais il est accompagné par un pianiste russe. Le concert est annulé. Comme le sont les concerts et représentations de dizaines d’artistes au nom russe, simplement parce qu’ils portent un nom russe, même s’ils sont français depuis toujours.
Une bloggeuse ukrainienne, Melania Podoliak, peut, le 14 janvier dernier, sans que la censure par ailleurs si vigilante n’y trouve rien à redire, publier que la population russe doit être effacée (« wiped out ») de la surface de la terre. Un appel au génocide qui passe inaperçu des LICRA, LDH, etc. D’ailleurs, un ministre ukrainien s’est félicité des centaines de milliers de livres russes brûlés en public — un autodafé qui en rappelle d’autres…
Qui a parlé des heures les plus sombres de notre histoire ?
Des « scientifiques » proposent d’utiliser des femmes en situation de maintien en vie artificielle pour cause de maladie ou d’accident, comme mères porteuses.
Certains pays qui criminalisent les relations sexuelles entre adultes et adolescents de 15 ou 16 ans, parce qu’ils ne peuvent donner un consentement libre et éclairé, autorisent des enfants de 12 ou 14 ans à demander à changer de sexe, avec les opérations et traitements nécessaires sans consentement de leurs parents, parce qu’ils peuvent donner un consentement libre et éclairé sur ce sujet.
Sous prétexte de prévenir une pandémie par des mesures de confinement strictes, des proches ont été empêchés d’accompagner leurs parents dans leurs derniers moments, et des milliers de vieillards sont morts dans un isolement total, des gendarmes poussant le zèle jusqu’à verbaliser ceux qui parvenaient à les approcher un instant dans leur maison de retraite.
Ok donc voici @AllaPoedie la nouvelle « experte ». Calme. Posée. Mesurée. Non franchement respect @LCI. Vous l’avez recrutée sur Comédie + ? #GuerreUkraine pic.twitter.com/xiwFbgPbXT
— Eric Morillot (@EricMorillot) December 5, 2022
Et le Guardian annonce la décision des autorités de l’Eglise presbytérienne ; remplacer le prénom masculin de Dieu — « le » Dieu — par un prénom non genré — après tout, Dieu peut être aussi une femme, un transgenre, etc. Dieu est LGBTQI, etc. ; qui peut en douter ?
Qui a parlé, etc. ?
Camus nous a mis en garde ; quand les mots perdent leur sens, la barbarie s’approche. Voilà longtemps déjà que les mots de « génocide », de « crime contre l’humanité », de « crime imprescriptible », etc., avec les implications juridiques qui sont les leurs, sont employés à tort et à travers. Le droit international est devenu une arme à disposition des Etats-Unis, jamais mis en cause, jamais poursuivis, jamais condamnés. L’état de droit et le « devoir d’ingérence » sont devenus des armes de destruction massive contre les pays qui s’opposent à la mainmise américaine sur leur monnaie, leur finance et leurs ressources. La confusion des mots et des concepts ne sert ni la vérité, ni la justice. Il est plus grave qu’elle dégrade les notions même que ces mots et ces conepts désignent.
Il faut relire Hannah Arendt et constater la banalité du mal, chez nous, aujourd’hui. Qu’ont fait ces gendarmes interdisant aux enfants de visiter leurs parents à l’heure de leur mort ? Ils ont obéi aux ordres. Que font ces « compliance officiers » des banques françaises qui empêchent tout virement humanitaire vers la Syrie, ces transitaires européens qui bloquent l’envoi de médicaments, de couvertures, de vivres vers la Syrie ? Ils obéissent à l’ordre américain. Et qu’ont fait ces soignants qui ont interdit à des patients en urgence l’accès aux soins, en violation du serment d’Hippocrate et de toute humanité ? Ils ont obéi aux ordres dictés par Big Pharma et ses complices, et à la panique que des communicants ont créé de toutes pièces. Voilà la banalité du mal, et voilà que la barbarie explose au nez de ceux qui croyaient en être protégés — dans la banalité de ceux qui ont fait hier le Vel d’Hiv, aujourd’hui les tueries dans les camps de réfugiés, ou les massacres des civils parlant russe en Ukraine.
Il faut relire Hannah Arendt, car le déferlement d’invocation au génocide, de discriminations effectives et de contre-vérités criantes signifie d’abord la fragilité de nos sociétés que tout danger avéré expose à la barbarie. Comme il a été facile d’appeler à la délation lors du COVID19 ! Comme il a été aisé aux pouvoirs dits « démocratiques » de supprimer toutes les libertés à la faveur de la panique covidienne, y compris les plus essentielles !
Et comme, à l’exception d’Amnesty International et de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, se font discrètes les organisations qui ont fait leur fonds de commerce de la dénonciation de toute discrimination, tout appel à la haine, toute négation du génocide ! Comme sont silencieuses les belles âmes de l’amour universel et de la grande famille humaine ! Contre les Russes, tout est permis aujourd’hui. Demain, contre les vieux, contre les Chinois, contre les autres — qui sait ? La guerre, et la sottise qu’elle encourage, fait éclater au grand jour des tendances solidement établies dans ce qui s’appelle « modernité », et qui n’ont pas trouvé à ce jour leur Montesquieu ou leur Voltaire pour les dénoncer. Claude Lévi Strauss, Edgar Morin, Pierre Nora, au secours ! « Liberté pour l’histoire », où êtes-vous ?
La barbarie qui vient repose sur quatre solides piliers.
D’abord, l’ignorance. Juger avant de savoir, avant de connaître, avant même d’avoir vu, est la manifestation la plus générale et la plus uiverselle de la bêtise. Dans une intervention remarquable, l’amiral Jean Dufourcq a prolongé récemment l’analyse de Valéry Giscard d’Estaing qui avait tétanisé la BBC — quoi, les Russes n’étaient les méchants dénoncés ? La Russie des Rus était née à Kiev et le découpage de l’Ukraine était dû à la fantaisie des dirigeants soviétiques plus qu’à un traité international ? Mais qui connaît l’histoire ? Qui par exemple a mis en garde les esprits simples sur la puissance du symbole des chars allemands fonçant vers Moscou ?
Ensuite, la haine des Autres. L’universalisme respecte, aime, accueille les Autres dans la mesure où ils vont devenir comme nous. La grande idée, ou le projet majeur, d’aligner l’humanité sur le modèle du consommateur américain est le moteur de l’universalisme contemporain, qui n’a plus rien à voir avec les idéologies missionnaires et les religions conquérantes dont il a pris l’intolérance, l’ambition et la brutalité. Des lecteurs asiatiques éclairés nous disaient récemment ; « vous interdisez Mein Kampf, vous devriez aussi bien interdire la Bible ! » Ils oubliaient que « Tuez les tous ! » est l’expression la plus commune de toute guerre… et de la bêtise à front de taureau qui l’accompagne.
J’entendais en écho ces militants laïques soucieux de la santé mentale des enfants, qui voudraient interdire toute représentation publique de la crucifixion, comme expression d’un masochisme traumatisant. Si le mouvement « woke » avait une utilité, ce devrait être celle-ci ; montrer à quel point les expressions les plus achevées de l’Europe juive, romaine et chrétienne, aussi bien que l’Islam, contiennent une incroyable violence et une indépassable cruauté. Après tout, d’où sont issus les totalitarismes qui ont ravagé la planète au siècle dernier, comme ils menacent le siècle actuel ?
Enfin, la violence. Plus elle est dénoncée, condamnée, plus elle grandit, bouleverse le quotidien et entre dans les têtes. Indécemment ignorée par le journalisme français, les Twitter files révèlent l’ampleur de la corruption politique qui fait du FBI, de la CIA et de quelques autres agences les acteurs partiaux et vénaux d’un clan tribal et familial qui, autour des Clinton, Epstein et Gates, s’est emparé de l’Etat américain comme il entend, à travers la World Health Organization, le Forum de Davos et quelques autres institutions, s’emparer du contrôle de la population mondiale.
Bien sûr, les medias français n’en diront rien : ni les fausses accusations d’immixtion russe dans la campagne de Trump, ni la réalité des crimes de Hunter Biden révélés par son microordinateur oublié, ni les preuves de la conspiration d’Etat réalisée par les FBI et CIA sur Twitter contre les Républicains n’ont le moindre écho en France. Et que dire de l’escroquerie vaccinale, qui pourrait constituer un crime contre l’humanité si elle est instruite comme les courageuses députés Christina Anderson et Virginie Joron nous invitent à le faire ? Si elle était avérée, la manipulation qui a fait subir à une partie significative de la population mondiale confinement, enfermement, vaccination forcée et discriminations manifestes, avec des conséquences léthales qui apparaissent plus clairement de jour en jour — voir la dénonciation des contrats de Pfizer engagée en Thaïlande, voir la mise en accusation du Ministre de la Santé en Suisse et les inculpations prochaines en Europe — entrerait dans la longue liste des violences d’Etat infligées aux populations civiles par des gouvernements captifs d’intérêts privés criminels.
Car c’est peu de dire qu’un effet de panique a supprimé en un éclair toutes ces libertés, des protections et ces prétentions que les démocraties avaient érigées — en un mois, la France comme l’Australie ont adopté des dispositions équivalentes à celles de la Chine ou de la Corée du Nord, et démontré que le néolibéralisme, quand ses profits sont en jeu, était une dictature comme les autres. Les malades interdits d’accès aux urgences parce que non vaccinés, les personnels de santé licenciés parce que non vaccinés, les parents séparés de leurs enfants et pire, les enfants souffrant de pathologies graves parce que contraints à la vaccination, ne resteront pas muets — ceux qui ne seront pas morts du moins.
S’il n’y a de barbares que ceux qui croient qu’il y a des barbares (Claude Lévi-Strauss), nous sommes en pleine barbarie. Et nous sommes les barbares. Nous le sommes contre la Russie, nous le serons contre la Chine, nous le sommes contre le monde entier. Parce que nous ne sommes pas le monde. Le monde ne nous attend pas, il ne nous suit pas, et il nous supporte de moins en moins. Mieux vaudrait le comprendre, et en tirer quelques leçons. Seuls, ceux qui l’ont compris, ceux qui en tirent les conséquences, ceux là ont quelques chances de sortir de la barbarie. Ce que suscite la guerre en Ukraine doit nous obliger à reconnaître la barbarie qui est chez nous. Le temps est venu pour chaque Français, pour chaque Européen, de se demander s’il est entré dans le camp des Barbares — si lui aussi cède à la banalité du mal, et à cette facilité qui fait obéir aux ordres, accepter l’inacceptable, et trahir tout ce que liberté française et dignité humaine ont voulu dire.
Hervé Juvin
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