Du 11 au 15 janvier, la première semaine de l’année que le Parlement passe en session plénière, à Strasbourg, est essentiellement consacrée au Green Deal. Bien sûr, le Parlement aura reçu le roi de Jordanie. Bien sûr, une matinée aura été consacrée à sanctionner les atteintes aux Droits de l’homme au Burundi et au Nigeria, ce qui a permis de constater à quel point la quasi-totalité des députés appelés à prendre la parole ne connaissent ni le Burundi, ni le Nigéria, pas davantage l’Afrique et se bornent pour l’essentiel à réciter le catéchisme des Droits de l’Homme, sans rien voir de l’infrastructure ethnique et historique de ces pays si compliqués et si différents. Mais le climat du Parlement tout entier est au vert cette semaine.
Le Green Deal d’Elizabeth Warren
Pacte Vert, donc. Pacte vert dira-t-on pour éviter le « Green Deal » copié du programme d’Elizabeth Warren, la sénatrice démocrate candidate aux élections présidentielles — une fois encore, l’Union européenne est à la remorque des États-Unis jusqu’à leur voler leurs mots… La Présidente de la Commission en a fait le cheval de bataille de la mandature. Très bien. Je ne peux pour ma part qu’accueillir avec faveur une telle priorité. Je suis convaincu depuis longtemps, comme je l’ai rappelé en séance plénière en novembre 2019, que l’écologie devrait devenir la référence de nos choix politiques et économiques, en tant que science de la vie des systèmes complexes. J’espère pouvoir voter le plan qui nous est proposé, et certains des innombrables amendements déposés — près de 200 ! Certains en appellent à l’écologie pour tenter de supprimer la session de Strasbourg ; le diable est dans les amendements, je le découvre ! J’espère pouvoir faire adhérer la délégation française et tout le groupe Identité et Démocratie à un plan qui annonce d’immenses ambitions écologiques, économiques, sociales et politiques — pourquoi pas ?
Un plan aseptisé, technocratisé
Dès les premières lignes du plan, dès examen des premiers amendements avec mes collègues membres de la commission environnement, la déception est grande. Comment faire plus froid, plus plat, en même temps que plus prétentieux, et pour finir plus vain ? Le Pacte vert de l’Union européenne va régler les problèmes du monde, c’est entendu. Il n’en a ni les mots ni l’élan. Aucune chaleur, aucune émotion, rien que de la norme, des règles, des pourcentages et des milliards, dans un plan qui a l’humanité d’un tableur Excel.
La nouvelle commission produit un monstre bureaucratique, dans lequel tout se décide d’en haut, Nations, entreprises, citoyens n’ayant qu’à se conformer à la conduite qui leur est indiquée. Alors que l’Union européenne, la France en particulier (grâce au nucléaire) sont déjà en tête de la (mauvaise) classe mondiale en matière de réduction des émanations de CO2, la Commission impose des engagements irréalistes, aux impacts énormes pour certains pays – O % d’émissions en 2050 ! –, et dont chacun sait qu’ils ne seront pas plus tenus que les engagements de l’accord de Paris – mais qu’importe, la commission est jugée sur ses intentions, jamais sur ses résultats ! D’ailleurs, chacun en rajoute à volonté ; si c’est 50 % en 2030, pourquoi pas 60 %, pourquoi pas 65 % ? S’il faut 200 milliards d’euros, pourquoi pas 1000 ?
Les amendements proposés sont pour la plupart un festival d’irresponsabilité. Le Pacte sous-estime les effets de l’innovation, des transformations du commerce international et de l’industrie — j’y reviendrai — et accorde une priorité injustifiée au dérèglement climatique, alors que la question des pollutions agricoles, des ravages du libre-échange et de l’extinction de la diversité humaine est tout aussi sinon plus importante.
La forme révèle le fond. Sous couvert de lutte contre le changement climatique,
la réalité de l’entreprise est d’enfermer un peu plus les Nations européennes
dans des contraintes venues d’ailleurs. Le Plan Vert est un plan de prise du
pouvoir par les institutions de l’Union et leurs mandataires sur les politiques
nationales d’énergie, de transport, d’aménagement du territoire, d’agriculture,
etc. C’est un Plan qui étouffe un peu plus les démocraties européennes, en
restreignant une fois encore la liberté des peuples de décider de leurs destins,
de faire leurs lois et de choisir leur mode de vie — des experts et des ONG
vont s’en charger pour eux !
Des oublis majeurs dans ce pacte
Et c’est un Plan qui conforte le coup d’État de soi-disant élites progressistes, qui en profitent pour se mettre encore un peu plus à l’abri de l’élection, du referendum et du suffrage, au nom du Bien — le réchauffement climatique jouant le rôle que les discriminations ont joué dans un passé récent ; qui peut être pour ? Voilà ce qui dispense à peu de frais du débat, du vote, et du réel.
Car le réel reprend ses droits. Et le réel dénonce les quatre oublis majeurs du Pacte Vert — faut-il accuser la commission d’oublis malencontreux ?
Le libre-échange
Le libre-échange et l’idéologie de la mobilité sont à l’origine des pires menaces sur l’environnement. Pas seulement par les pollutions occasionnées par les transports ; parce qu’ils permettent aux entreprises de faire ailleurs ce qu’elles ne feraient pas chez elles, dans leur pays ou leur région d’origine. Parce qu’ils donnent une prime destructrice à ceux qui gagnent la course infernale au moins-disant social, fiscal, environnemental et sanitaire. Enfin et surtout, parce que tous les accords de libre-échange récemment négociés acceptent le principe des tribunaux d’arbitrage privés, qui immunisent les entreprises contre les lois en faveur de l’environnement ou les normes sanitaires protégeant la santé humaine ; au passage, il sera intéressant d’examiner comment la contradiction entre les engagements du Pacte vert et les traités de libre-échange sera levée !
Quant à la contradiction entre les exigences de rendement des gérants de fonds et le renouvellement des ressources naturelles et des écosystèmes, inutile de l’évoquer. Le Président de la Banque européenne d’Investissement, celle que le Financial Times a qualifiée de « géant qui dort » m’a répondu le lundi 13 janvier à ce sujet ; c’est par la gestion de capitaux que naîtra un monde meilleur — écologique ; il faut l’entendre pour le croire.
L’agriculture
L’agriculture est à la fois le meilleur et le pire des acteurs de l’environnement. Le pire quand l’agro-industrie épuise les terres, monopolise l’accès au vivant (semences et gênes), empoisonne l’air, l’eau et les aliments (glyphosate, néonicotinoïdes, OGM, etc.) La meilleure, quand elle humanise les paysages, fait vivre les territoires, contribue à la capture et séquestration du CO2 en entretenant forêts, haies, bosquets et zones humides (un thème étonnamment absent du Pacte). La meilleure aussi quand elle poursuit le travail millénaire d’adaptation des variétés végétales et animales au relief, au climat, aux écosystèmes locaux, et préserve cette diversité qui est notre meilleure gage de résilience — là où l’hyper sélection et la concentration des variétés brevetées, industrialisables, sont une source de fragilité et une menace pour l’alimentation humaine. Sur les monopoles industriels de l’agro-industrie (chimie, commerce de la viande et des céréales, brevetage du vivant) le Pacte vert est silencieux.
Comme il l’est sur les ravages de la surconcentration animale — qu’en disent les Pays-Bas ? – et sur ceux des prétendus marchés mondiaux qui ne servent qu’à écouler les surplus américains et européens. Comme il l’est sur une Politique agricole commune, premier budget de l’Union, qui favorise outrageusement la concentration des terres, une agriculture hors sol, hors territoire, et qui finance la pollution bien plus qu’elle ne finance le modèle historique de la propriété familiale des exploitations. Ici encore, la banque est à la manœuvre pour prendre le contrôle des terres, le seul actif qui restera quand la folie financière aura vécue – de cela encore il faudra reparler.
Concilier ouverture et écologie
L’ouverture de l’Union demeure un dogme que le Pacte vert ne saurait entamer. Peu importe si aucun écosystème ne peut survivre, totalement ouvert à l’extérieur, si aucun organisme ne peut survivre à l’instabilité provoquée par l’ouverture indistincte à tout ce qui lui vient de l’extérieur. Peu importe aussi si la surcharge démographique est la première cause de la dégradation des écosystèmes et de l’épuisement des ressources (et le drame de l’Afrique, qui pourrait être demain celui de l’Europe). Peu importe aussi si la destruction de la biodiversité par des espèces invasives est parfaitement documentée et fait d’ailleurs l’objet de campagnes d’éradication de ces espèces venues de l’extérieur qui détruisent les espèces endémiques.
Ce n’est pas la moindre faiblesse du Pacte vert que cette contradiction ; une Europe plus belle, plus riche, plus vivante, pour les Européens est une Europe qui demande aux Nations de tenir leurs frontières et de gérer le peuplement de leurs territoires. Ce n’est pas le moindre paradoxe du Pacte vert que le souci affiché des « biens communs » et le refus de considérer le seul moyen de les préserver, qui est d’en réserver l’accès à la communauté qui les a préservés, qui les entretient et qui en fait usage — au moment où, de Dubrovnik à Venise, des Européens s’insurgent contre l’expulsion qu’ils subissent au nom de l’ouverture touristique et marchande, le sujet est d’une brûlante actualité.
Un pacte « Oui oui »
Le « no limit » caractérise un Pacte qui promet tout, la croissance, l’emploi, la solidarité, et l’environnement — tout et le contraire de tout, pour ne fâcher personne, sauf le réel. Un Pacte qui confie à l’autorité des institutions européennes, alliées il est vrai aux banques, aux sociétés de gestion et aux ONG, une capacité à changer les modes de vie, les manières de produire, de vendre et de financer à peu près totale. Un pacte qui fait bon marché de la liberté des entreprises et de leur actionnaire, comme il fait bon marché de la liberté des Nations dans le choix de leurs politiques essentielles d’énergie, d’alimentation et de normes.
Une fois encore, le Diable se cache sous les bonnes intentions, le diable d’un totalitarisme qui ne dit pas son nom, mais qui œuvre depuis des décennies pour étouffer la liberté des peuples et des Nations. Et il faut appeler les choses par leur nom ; le Pacte vert est le plus illibéral des grands projets européens. C’est un enfer administratif, un projet contraire au libéralisme politique qui bafoue la liberté des entreprises et des consommateurs. C’est un projet qui se condamne par là même à connaître le sort du Pacte de Lisbonne ; parce qu’il est tombé dans l’oubli, ses auteurs sont préservés du ridicule qui s’attache à leurs prétentions totalement invalidées par les faits. Rappelons-nous seulement cette grandiose « société de la connaissance, la première au monde », que devait devenir une Union européenne dix ans plus tard en chute libre pour les dépôts de brevets, pour la qualité de son enseignement comme pour sa souveraineté numérique !
Les députés français du groupe Identité et Démocratie se sont donc abstenus de voter le Pacte vert, comme ceux des autres délégations. Nous proposerons bientôt nos propres projets pour une écologie humaine, fondée sur le local, le proche, le commun, une écologie qui rende désirable ce qui est nécessaire, une écologie qui rende aux Français comme aux autres citoyens d’Europe le pouvoir sur leur territoire, leurs lois et leurs frontières.
Nous sommes les vrais écologistes. Parce que nous sommes patriotes, nous voulons préserver et enrichir le premier patrimoine de la France, qui est sa diversité naturelle, ses paysages, son climat, l’union des hommes, de la terre et des mers par nos cultures et nos traditions locales. Parce que nous sommes de France, de ces terres que des millions d’hommes avant nous sont morts pour défendre et nous transmettre, nous portons la responsabilité de les défendre et de les transmettre plus belles, plus riches et plus vivantes à nos enfants à nos petits-enfants, mais avant tout, françaises, dans leur particularité, dans leur identité, dans leur intégrité. Parce que nous portons la culture de nos régions et de nos territoires, nous voulons préserver leur diversité et leur singularité. Elles font partie de nous, elles sont les fruits de l’histoire et du génie des hommes appliqué à la vie, et elles sont notre gage de survie pour l’avenir.
Forts de nos convictions et de notre engagement écologique, nous ne pouvons signer un texte bureaucratique, centralisateur, abstrait, qui est le contraire de la vie, de la diversité et de la liberté. Nous serons les acteurs de la politique de la vie, d’une politique et d’une économie nourries de la science écologique, de l’amour de nos terres, de nos mers, de toutes les manifestations de la nature, et portées par la renaissance de nos libertés publiques.
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Hervé Juvin
18-01-2020
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