14 % de hausse du prix du gaz en quelques mois, 12 % de hausse du prix du kw/h, des budgets d’énergie qui ont augmenté de 50 % en cinq ans pour des millions de Français, plusieurs centaines de milliers de ménages en précarité énergétique, des menaces de coupures de courant l’hiver prochain, une tension qui monte sur les marchés mondiaux du pétrole et du gaz…
Ils ne savent pas ce qu’ils font ! Après le Green Deal, après la taxonomie, après l’accord de Paris, et face à un choc énergétique violent, tout élu, tout dirigeant, se pose la question : jusqu’où le totalitarisme vert, qui utilise quelquefois la terreur verte, va-t-il aller ?
Un terrorisme vert
J’ai souvent affirmé que l’idéologie qui s’est emparée de l’écologie politique est la plus sûre ennemie du progrès écologique et de politiques respectueuses de l’environnement et de la vie. Pas parce que les constats qu’elle utilise sont faux. Du réchauffement climatique à la perte de la biodiversité et au recul terrifiant de la vie sous l’effet de l’artificialisation technique et numérique, ces constats sont vrais. Mais parce que les solutions qu’elle préconise, dans une parfaite inconscience de leurs impacts et de leurs résultats (près de 200 milliards d’euros pour des « renouvelables » qui fragilisent nos réseaux de distribution d’électricité !), sont de nature à rendre pour longtemps une majorité de la population hostile à tout ce qui s’appellera écologie et portera la couleur verte — de sorte que leurs excès compromettent l’essentiel ; l’adhésion d’une majorité de la population à la nécessaire transition écologique.
Nous aurons bientôt l’occasion de nous confronter aux effets d’une transition énergétique mal pensée, autoritaire et irréaliste. Après la fracture des éoliennes, la fracture énergétique pourrait bien aggraver la division entre Français. Car la possible conjonction d’un hiver froid et de l’absence à la fois de soleil et de vent menace de plonger tout le nord de l’Europe dans la précarité énergétique — et le nord de l’Europe commence à Lyon… Les images des files d’attente aux stations d’essence en Grande-Bretagne, alors que ce 1er octobre, 26 % des stations étaient à sec, ont illustré la fragilité de nos sociétés à toute rupture d’approvisionnement. Et il ne s’agit que d’essence ! Certaines projections conduisent le baril de Brent au-dessus de 200 dollars (il valait moins de 60 dollars ces trois dernières années), tandis que le m3 de gaz explose, au point que ce n’est plus son prix qui pose problème, c’est tout simplement d’en trouver…
Perte d’autonomie et déclassement
Ces spéculations nous concernent directement, pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que l’Allemagne ayant opposé son diktat à la seule énergie qui rendrait l’Europe autonome, le nucléaire, l’Europe ne dispose pas, ou peu, de sources propres d’énergie ; ni pétrole et gaz de schiste, comme aux États-Unis (d’ailleurs bientôt épuisés, et à des coûts financiers et environnementaux qui posent question), ni pétrole et gaz en surabondance comme en Russie ; les champs de la mer du Nord sont en voie d’épuisement, et les puits norvégiens ou britanniques ne seront bientôt plus en état de servir le marché.
Ensuite, parce que le déclassement de l’Europe et notamment de la France en tant que puissance, fait monter les incertitudes ; nous n’en sommes plus aux temps où la menace de Mossadegh de nationaliser le pétrole iranien provoquait son prompt renversement — seul Elon Musk peut se permettre pareille aventure en Bolivie contre Evo Morales, mais nous sommes en Amérique latine, et Elon Musk n’est pas Joseph Borrell… En cas de tension sur les marchés, en cas de pénurie telle que la puissance devienne la condition de l’approvisionnement, il n’est pas certain que l’Europe soit la première servie — certains épisodes de l’affrontement avec le COVID19 l’ont cruellement montré…
Enfin, parce que l’Europe n’est moins dépendante du Moyen-Orient que pour l’être davantage du gaz russe, arrivant désormais via l’Allemagne par Nordstream2, ou du gaz liquéfié américain, et que la contradiction entre une soumission servile à l’OTAN et une dépendance vitale à la Russie éclatera tôt ou tard — pas pour le confort de millions d’Européens qui ont quelques chances de ne pas pouvoir se chauffer ni s’éclairer cet hiver — quant à se connecter à leurs sites favoris…
De graves crises nous attendent
Qui l’eut dit ? Tous les facteurs convergent pour annoncer une grave crise énergétique dans l’Union européenne comme en France. En premier lieu, l’absurde folie des renouvelables et l’inconcevable casse du nucléaire. Aujourd’hui même, 1er octobre, un groupe de scientifiques américains s’adresse solennellement à Mme Merkel en lui demandant de retarder la sortie du nucléaire, afin d’éviter un drame énergétique en Allemagne. Ils pourraient s’adresser aussi bien à la France, et à la fermeture de Fessenheim — sous pression allemande…
Le problème ne tient pas seulement aux subventions versées aux exploitants d’éoliennes, auxquelles il faut ajouter les coûts de refonte du réseau de distribution sur lesquels RTE jette un voile pudique, des budgets qui auraient permis de poursuivre la recherche sur le nucléaire, sur l’hydrogène, voire sur ces « feuilles solaires » développées notamment par Schneider, et qui assureraient l’autonomie énergétique des immeubles qui en seraient revêtus — il tient au fait que les renouvelables rendent inatteignable l’objectif des accords de Paris et du Green Deal » — devenir neutre en carbone en 2050 ; seule, une relance du nucléaire peut rendre crédible cet objectif, sans dégradation majeure des conditions de vie des Français.
En second lieu, parce que le marché européen de l’énergie est une aberration, plombé qu’il est par une Allemagne qui fait porter son inconséquence sur ses voisins, à rouvert des centrales au charbon et envoie par vent d’est sa pollution au charbon et au lignite vers l’Alsace… L’interconnexion de marchés hétérogènes à prix unique est une absurdité. En un mot, c’est quand l’Europe a trop d’électricité que les renouvelables sont en plein rendement, quand elle en manque que l’Allemagne dépende du nucléaire français… ou du gaz russe.
À prétendre ignorer les monopoles naturels, comme celui d’EDF, à accorder au marché des capacités qu’il n’a pas, à imposer des théories de la concurrence jamais validées sur les marchés de l’énergie, les économistes en chambre de l’Union ont gravement fragilisé les pays qui, comme la France, s’étaient donné les moyens d’une autonomie énergétique totalement décarbonée ! Il est urgent d’accepter la réalité que William Nordhaus nous rappelle ; seul, l’État peut assurer la coordination des acteurs particuliers, et seul, il peut faire payer le prix des externalités environnementales.
En troisième lieu, l’illusion des énergies renouvelables est l’occasion d’un grave déni de réalité — les éoliennes détruisent les paysages et nuisent gravement à l’environnement — d’un recul démocratique — les maires ne peuvent s’opposer aux Préfets — mais surtout, d’une régression vers les énergies fossiles.
Faute de pouvoir stocker l’électricité, chaque fois qu’on attend de la puissance des renouvelables intermittents, l’équivalent doit être disponible en conventionnel, gaz ou charbon… Enfin, parce que l’atonie stratégique de l’Union lui interdit de voir à quel point la puissance est de retour, et combien le marché de l’énergie est par excellence un marché de puissances. L’emploi de la force et de la contrainte grandit, ne se cache même plus, et une Europe surendettée, une Europe fragilisée, une Europe en dépendance, est en insigne faiblesse.
Et voilà la réalité ; l’écologie devient un enjeu stratégique. L’impact géopolitique des accords de Paris a été négligé, il est considérable. Au nom de la lutte contre le dérèglement climatique, un combat de géants se joue. Ceux qui manipulent les grandes peurs modernes peuvent à leur gré affaiblir, désarmer et placer sous dépendance les Nations crédules. C’est la fonction assumée par une Greta Thumberg. En manipulant des opinions publiques qui ont perdu, avec leur identité, leur capacité de jugement, ils peuvent détruire ce que des siècles de patriotisme ont construit ; industrie, infrastructures, autonomie nationale.
Au nom d’une vertu écologique qu’ils définissent eux-mêmes, ils peuvent défier les valeurs fondamentales de nos sociétés que sont les libertés individuelles et collectives. Nos sociétés peuvent exploser sous des contraintes aberrantes et inégalitaires, aussi bien qu’injustes, l’Europe étant le continent le plus vertueux en matière d’environnement, et la France figurant à la quatrième place dans le monde pour son action écologique ! Elles peuvent surtout se voir soumises à des intérêts concurrents et hostiles, dans une partie où notre modèle de société est en jeu. Voilà pourquoi il est urgent d’en venir à une écologie nationale qui préserve notre mode de vie, à une écologie garante d’un avenir meilleur pour tous, pas celle d’une injuste punition collective qui laisse les Français démunis d’abord, hostiles ensuite, et bientôt, en colère.
Hervé Juvin A lire ; Fabien Bouglé, « Eoliennes, la face noire de la transition écologique », Editions du Rocher, 2021
0 commentaire