Entretien donné par Hervé Juvin à l’Agence Tass, le 26 juin 2022
(texte intégral)
1 — Au cours du sommet de Madrid, l’alliance atlantique (OTAN) prévoit de modifier le concept stratégique de l’OTAN, ce qui désignera la Russie comme un adversaire. Comment pensez-vous que cela affecte la sécurité de l’Europe ?
Vous voulez bien m’interroger sur un sujet qui excède largement mes compétences aussi bien que mes responsabilités d’élu européen. Je dirai simplement que la France est et restera membre du traité de sécurité de l’Atlantique Nord, ce qui ne signifie pas qu’elle doive faire partie du commandement intégré de l’OTAN, ni qu’elle doive accepter l’intégration totale des forces européennes aux forces américaines. L’indépendance de l’industrie d’armement française et de son industrie nucléaire n’est pas négociable. Les États-Unis sont et demeureront un important allié de la France, qui participe pleinement à l’avènement d’un monde multipolaire, fondé sur le respect de la diversité des peuples, des cultures et des civilisations, sur le principe de souveraineté des Nations, et sur l’équilibre des forces. La France entend se tenir à équidistance des États-Unis, de la Chine, de la Russie, et des autres puissances, comme Marine Le Pen l’a indiqué à plusieurs reprises.
À travers l’abondante propagande de l’OTAN, il est clair que l’organisation désignée par Emmanuel Macron comme « Brain dead » (The Economist, 2020) évolue d’une structure vouée à l’alliance transatlantique vers une structure globale. Ainsi, le retrait de la France du Mali et son désengagement forcé d’autres pays d’Afrique francophone est présenté comme l’occasion d’une présence nouvelle de l’OTAN. Ainsi, le roi de Jordanie plaide pour une présence de l’OTAN au Moyen-Orient — il serait intéressant d’avoir l’avis de la Syrie ou de l’Irak.
Ainsi, l’attention portée par divers pays européens, notamment la France en raison de ses territoires ultra-marins dans le Pacifique, pour la zone indo-pacifique, est-elle préemptée par l’OTAN qui cherche à enrôler l’Union européenne dans le combat avec la Chine. Enfin encore, l’OTAN considère l’Union européenne comme la chambre d’enregistrement de ses membres, voilà pourquoi les pressions montent pour que des pays comme la Géorgie, l’Arménie, l’Ukraine, qui n’ont jamais fait partie de l’Europe géographique, politique et humaine, ou des États artificiels, comme la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord et pire encore, le Kosovo, entrent dans l’Union !
La démarche est humiliante, l’Union étant réduite à courir derrière les ordres de l’OTAN. Elle est dangereuse, parce qu’elle supprime tous ces espaces de sécurité, cette « buffer zone » que les grandes puissances s’accordaient mutuellement comme prix de leur sécurité respective. Quant elle enserre la Russie et se prépare à encercler la Chine, quand elle prétend s’étendre partout dans le monde, l’OTAN devient la première menace contre la paix dans le monde, et la soumission de l’Union européenne à l’OTAN, en réalité aux intérêts anglo-américains radicalement hostiles à l’Europe, est le fruit d’une sidérante inconscience des gouvernements européens et de ceux qu’ils ont mis à la tête des institutions européennes. Voyez comment les pays de l’Union européenne sont contraints de fait de devenir les clients du complexe militaro-industriel américain, au détriment de toute indépendance européenne !
Pour le dire autrement, nous vivons une situation symétrique de celle de 1963, quand les États-Unis avaient réagi à la menace d’installation d’une base de missiles russes à Cuba. L’Union soviétique avait compris la légitime préoccupation des États-Unis, et le Président Kennedy avait obtenu le retrait des missiles tout en respectant totalement la Russie. Ni vainqueur ni vaincu, la diplomatie l’avait emporté. La prise en compte des légitimes préoccupations de sécurité de la Russie par les États-Unis devrait conduire au retrait des missiles à moyenne portée de Pologne ou de Roumanie, et à la fermeture des centres de recherche d’armes bactériologiques et chimiques installés aux frontières de la Russie. Mais la diplomatie américaine respectueuse des autres puissances a disparu, aux mains d’une tribu de néo-conservateurs qui rêve l’extermination biblique de tout adversaire. Là est le danger réel d’une sortie du réel qui caractérise aujourd’hui la politique américaine et à sa suite, européenne. Rien n’est plus dangereux en politique étrangère que de désigner des bons et des méchants !
2 — Comment pensez-vous que les décisions du sommet affecteront le conflit en Ukraine ? Est-ce qu’une décision d’introduire un contingent militaire européen dans les régions limitrophes soit possible ?
Voilà encore une question précise qui dépasse mes compétences, même s’il semble clair qu’en réalité, des éléments des forces de l’OTAN sont déjà présents aux côtés de l’armée ukrainienne et aussi des milices pro-nazies ukrainiennes !
Attention à distinguer la rhétorique des porte-paroles de Washington, les positions de ceux qui ont de bonnes raisons d’être habités par de dramatiques souvenirs de l’occupation soviétique, des États baltes à la Pologne et la Hongrie, et la réalité des intérêts nationaux. Eux seuls décideront à la fin de la partie.
Dans les discours, l’Ukraine peut et doit gagner la guerre déclenchée par la Russie, et tous les moyens sont et seront utilisés pour cela. La pression se veut morale et tourne parfois à l’hystérie, au point que les États baltes et la Pologne dirigent l’Union européenne, ou qu’un Zelensky se permet de donner des ordres au Président de la France, Emmanuel Macron, ou de s’ingérer dans la campagne présidentielle française !
Tout cela n’est pas sérieux, et chacun s’en rend compte. Chacun voit aussi que nous sommes dans la grande stratégie, et que la balance des forces et des intérêts n’a pas encore tranché. J’en citerais quelques éléments.
La volonté britannique de se venger du Brexit qui explique la formidable activité des services britanniques à l’est de l’Europe s’accorde avec le souci de toujours des États-Unis ; étouffer toute indépendance politique et plus encore militaire de l’Union européenne. Il faut lire l’extraordinaire brutalité avec laquelle Henry Kissinger a mis fin, grâce à la création de l’Agence mondiale de l’Energie, à la velléité d’indépendance de la CEE portée par Michel Jobert en 1973-1974 (avec Edward Heath, Georges Pompidou et Helmut Schmidt ; lire Gérard Arraud à ce sujet). J’ai été témoin récemment à Washington de la violence des ordres donnés aux élus européens pour considérer la Chine comme un ennemi et s’enrôler derrière les États-Unis ! À cet égard, aucun doute que la première victime du conflit en Ukraine est l’Union européenne, tenue laisse courte et quotidiennement humiliée.
La lucidité du Pentagone et des services américains explique sans doute la publication de nombreux articles remarqués, comme celui de Christopher Caldwell (NYT) ou d’éditoriaux du WSJ, ou encore les positions d’Henry Kissinger et de John Measrsheimer, appelant à des concessions territoriales de l’Ukraine et à son désarmement pour un retour à la paix. Nul ne peut chercher une confrontation nucléaire ave la Russie, qui dispose de manière temporaire d’une capacité de frappe non conventionnelle sans réponse. Mais cette attitude réaliste s’oppose à celle de la garde nationale des différents États américains, et du dispositif d’aide militaire qui confie à chaque État la responsabilité d’un pays — la Californie se trouvant chargée de l’Ukraine.
La Garde nationale n’est pas connue pour sa doctrine nucléaire, elle paraît en revanche convaincue de la doctrine Brzezinski ; de même que le piège afghan a marqué la fin, d’abord morale, de l’avancée soviétique, donc son recul aboutissant à sa fin, de même le piège ukrainien, alimenté par l’immense capacité industrielle américaine, mobilisant jusqu’au dernier Ukrainien, voire au dernier Européen, s’est refermé sur la Russie qui ne peut pas perdre et qui va épuiser ses bien faibles moyens industriels et financiers à ne pas perdre.
Poutine, combien de divisions ? interrogent ceux qui le croient fou, malade, désarmé, et d’ailleurs, sans doute déjà mort ! Cette doctrine a bien des vertus, mais un défaut ; qui suppose que les dirigeants russes, que MM Poutine ou Lavrov, ignorent la doctrine Brzezinski et n’ont rien vu du piège ukrainien qui leur serait tendu ? Qui ne voit qu’après la Russie, ce sera le tour de la Chine et de tout pays non soumis aux intérêts de la tribu financière et digitale américaine qui entend que pas un acre de terre, pas une goutte d’eau ou un atome de minerai n’échappe à sa dent ? Elle a un autre défaut, que la littérature américaine spécialisée aborde ; c’est que les délocalisations ont singulièrement affaibli les capacités de production d’armement (notamment de munitions, de missiles et d’obus), aux États-Unis, et qu’il n’est pas certain que les fournisseurs, notamment la Chine, accepteront la défaite de la Russie, qui sera aussi la leur… La France a-t-elle plus de huit jours de combat à haute intensité dans ses stocks ?
Je tiens à mentionner un troisième élément. Les votes aux Nations Unies ont surpris. Les pays représentant plus de la moitié de l’Assemblée n’ont pas voté les sanctions, ou ont voté contre. Parmi eux, maints pays d’Amérique latine, la très large majorité des pays d’Afrique, l’Inde, le Pakistan, etc — la très nette majorité de la population mondiale ne suit plus les États-Unis. Et seuls, quatre dirigeants africains ont assisté aux leçons prétentieuses de Zelensky. C’est une nouveauté. The Rest ne supporte plus the West. J’ai encore été témoin récemment en Inde de l’incroyable arrogance de représentants américains donnant des ordres à leurs alliés. Et j’ai été frappé de la manière dont le dirigeant pakistanais Imre Khan a publiquement félicité l’Inde de sa résistance aux pressions américaines — ce qui lui a valu d’être renversé par un coup d’État fomenté de Washington par l’armée, contre la volonté populaire et peut-être pour peu de temps.
Le refus de la colonisation américaine fait le rapprochement entre ceux qui ne se parlaient pas — il en va de même de la Chine et de l’Inde. Ce « Renversement du monde » suit le scénario que j’avais esquissé voici quinze ans (Gallimard, Le Débat, 2010), il n’est pas sans conséquence ; les Européens devraient davantage suivre l’évolution de la Turquie, de l’Inde, de la Malaisie, de l’Indonésie, et de tous ces pays africains représentés par Macky Sall, Président de l’OUA, qui vont discuter à Moscou et Washington, mais oublient de faire étape à Paris, encore plus à Bruxelles…
Le quatrième point est pour moi décisif. Les États-Unis ont été pendant plusieurs décennies la puissance qui a le plus souvent réussi à associer ordre et progrès, et aussi, une puissance qui a su s’arrêter à temps sur la voie de la guerre nucléaire, en Corée comme au Vietnam. Avec l’Union soviétique en face d’eux, les États-Unis ont maintenu l’ordre dans le monde et leurs intérêts les ont globalement conduit à contribuer au progrès chez leurs alliés, du Japon à l’Allemagne et de l’Europe de l’Ouest à l’Asie. Cette situation, dont Eisenhower et Truman, Kennedy ou Gérald Ford ont été les acteurs, explique une supériorité morale qui n’est pas que de propagande et à laquelle l’état réel de l’Union soviétique ou de la Russie ne lui a jamais permis de prétendre. Elle explique la sidération russe pour l’Ouest au début des années 1990. Elle explique aussi pourquoi des millions de personnes en danger, ou anxieuses de leur patrimoine, notamment russes, encore tout récemment, ont trouvé aux États-Unis comme en Grande-Bretagne des refuges sûrs ; l’état de droit, le règne de la loi, l’intangibilité de la propriété privée y étaient assurés.
Ce n’est plus le cas. Les États-Unis sont devenus une puissance dangereuse. Et trop souvent, une puissance de désordre, capable de provoquer partout le chaos, selon « the Shock doctrine » de Naomi Klein, mais incapable d’assurer le progrès — y compris chez elle. Inutile de développer ici le processus de sous-développement interne qu’engage le nouveau totalitarisme qu’est le capitalisme digital et financier aux États-Unis (j’y ai consacré mon dernier essai ; « Chez nous ! », suivant notamment les analyses de Noam Chomsky) Le point décisif est ailleurs. Plus aucune banque centrale dans le monde, plus aucun gouvernement, qui ne s’interroge ; si je ne me plie pas aux ukases américains, vont-ils saisir mes avoirs en dollars ?
Plus aucun milliardaire dans le monde, plus aucun « réfugié » des affaires qui ne se pose la question ; comment prévenir la saisie de mes avoirs à Londres, à Los Angeles ou à Vancouver — si les résidents chinois s’interrogent, 70 % de l’immobilier sera bradé à Vancouver ! L’affaire est sérieuse, car il y va de la crédibilité du dollar, du droit, des droits de propriété et de la justice, construite depuis des siècles en Grande-Bretagne et aux États-Unis que les décisions irresponsables de saisie des avoirs de présumés oligarques sans enquête ni jugement ni droit de se défendre, que la saisie des avoirs en dollars de la banque centrale de Russie sans consultation du FED sont venus compromettre au quelques jours où la haine de la Russie a tout balayé des prétendues « valeurs » de l’Occident. Même les chats russes, Tolstoï ou Soljenitsyne ont été victimes de sanctions !
Comme toujours, un accord de paix se décidera très loin du terrain, grâce aux bons offices de ceux qui ont su ne pas se compromettre. Ceux qui se battent sur le terrain ont-ils conscience que certains sont prêts à faire tuer jusqu’au dernier Ukrainien pour des intérêts qui ne sont pas ceux de l’Ukraine, ni des Ukrainiens, ni de l’Europe ?
3 — Comment les décisions du sommet pourraient-elles affecter les relations franco-russes ?
Les relations dureront, parce que la Russie est là, et que la France est en Europe ! Il est manifeste que l’invasion de l’Ukraine a ouvert une brèche qui mettra longtemps à se refermer. Mais tôt ou tard l’intérêt national reprendra ses droits, et l’intérêt national de la France est de poursuivre un dialogue de bon voisinage stratégique avec la Russie, comme avec toute autre puissance.
L’OTAN n’est pas dans une perspective de bon voisinage stratégique, mais de déstabilisation, d’encerclement et d’agression. Aux ordres des États-Unis, ou plutôt de la caste qui en a pris le contrôle, elle entame un long processus qui doit permettre aux États-Unis d’enrôler les pays membres de l’alliance nord-atlantique contre la Chine. Elle a déjà atteint un premier objectif ; en provoquant la Russie, en semant le désordre dans les Balkans, elle a non seulement interrompu le gazoduc Nordstream2, mais aussi coupé les routes de la Soie. J’avais à plusieurs reprises affirmé cet objectif évident de l’agressivité américaine ; j’avais sous-estimé la capacité de l’OTAN à fomenter une guerre de haute intensité pour servir cet objectif.
L’argument moral qui va être utilisé a déjà été formulé ici et là ; c’est d’abord celui de la protection de l’est européen, des démocraties qui se sont affirmées depuis les années 1990. Pour le contrer, il serait utile que des engagements soient donnés concernant la sécurité des frontières à l’est de l’Europe. L’argument qui suit est celui de la décolonisation de la Russie. La Russie serait la proie de quelques centaines ou milliers de grands féodaux, qui capteraient la majeure partie de ses inépuisables ressources pour leur seul avantage personnel. Et la libération du peuple russe comporterait la création d’un État réellement fédéral, décentralisé, avec division en États indépendants, dont la candidature à l’OTAN serait bienvenue. Ce scénario qui va être amplement développé souffre de trois faiblesses.
D’abord, celui du suffrage des Russes qui, quelles que soient les critiques sur la qualité du scrutin, et en dépit du sort malheureux des opposants, paraît valider la popularité du régime. Ensuite, celui du privilège moral que s’arrogent les Etats-Unis et l’OTAN ; de quel droit faire le bien du peuple russe sans lui, voire contre lui ? D’autant que la mesure des inégalités (le coefficient GINI) et la situation réelle des patrimoines aux Etats-Unis ne plaide pas pour la passion égalitaire de l’Amérique ; n’est-ce pas plutôt que les Soros, les Zuckerberg, les Gates, et les nouveaux féodaux qui colonisent le peuple américain entendent mettre la main sur les ressources russes, et continuer l’œuvre entreprise par les Khodorkosky et autres complices du pillage de la Russie au nom des libertés économiques ?
Enfin, celui des relations entre la Chine et la Russie. Des oligarchies se font concurrence, l’Europe doit-elle s’en mêler ? Le scénario stratégique est de couper la Russie de la Chine, d’abord, en laissant croire à la défaite inéluctable de la Russie, pour prévenir l’approvisionnement industriel de la Russie par la Chine — si les usines d’armement chinoises tournent pour la Russie, la guerre d’usure en Ukraine se renverse contre l’Europe et les Etats-Unis. Ensuite, ayant mis la main sur les ressources russes, de couper la Chine des ressources naturelles, notamment l’Energie, qui lui sont vitales. Et enfin, d’imposer à la Chine et la Russie le nouveau régime du capitalisme totalitaire tel qu’il résulte du couplage du numérique et de la finance.
Autant le voir en face ; l’extension de l’OTAN à de nouveaux théâtres d’opérations prépare une nouvelle guerre mondiale. L’objectif de cette guerre n’est pas économique, ni même politique ; il est d’en finir avec toute expression de la liberté des peuples, cette diversité des mœurs, des langues et des lois qui est le premier patrimoine commun de l’humanité. Les Américains ont bien raison d’être américains, les Russes, russes, et les Français, français ! La légèreté avec laquelle certains s’engagent sur la voie de la guerre, aux Etats-Unis et ailleurs, traduit l’inconscience de ceux qui n’ont jamais subi la guerre sur leur territoire, sont certains de ne jamais payer leurs crimes en revenant sur leur territoire, et oublient que même une armée victorieuse compte ses morts.
Mais comment expliquer que des dirigeants européens en apesanteur oublient les guerres civiles européennes du siècle passé ? Emmanuel Macron, avec la relative distance qu’il a essayé de prendre face à l’hystérie balte et polonaise, serait-il le seul à se souvenir que la Russie a été une précieuse alliée de la France, et qu’elle d’abord, elle surtout, a vaincu le nazisme ? Et qui ne voit que son juste projet d’autonomie stratégique européenne est la première victime du conflit actuel ? Quelle volonté impitoyable faudra-t-il pour que la France sorte du piège de l’OTAN et reprenne l’indépendance et l’autonomie qui lui permettront de retrouver l’autorité d’un pays non aligné ?
4 — Ce sommet décidera-t-il de l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, malgré l’opposition de la Turquie ?
Le Président Recep Erdogan conduit une politique nationaliste habile, complexe et donc, risquée. Mehmet Ali Guller a publié dans Cumhuriyet (20 juin) un éditorial remarqué. Il affirme que l’OTAN ne sert à rien à la Turquie, mais que la Turquie lui sert beaucoup en mer Noire, dans le Caucase et l’Asie centrale, oubliant les radars de Kurecik précieux à Israël… Il conclut que la Turquie doit se tourner vers le soleil qui se lève à l’Est, et se rapprocher du grand pacte asiatique. Par rapport à de tels mouvements, l’adhésion de la Finlande et de la Norvège est de peu d’intérêt. La Turquie maintiendra ou lèvera son veto selon son intérêt national. Quant à l’Europe, elle s’efface doucement de la carte du monde, comme tous ceux qui ont fait passer leur sécurité avant leur liberté, et qui perdent l’une et l’autre dans le doux confort de l’abandon. Faut-il souhaiter que la Russie les réveille de ce trop long sommeil stratégique dans lequel l’Union les a plongés, pour que les Nations refassent leur Europe ?
Si tel était le cas, il faudrait dire en effet que la Russie est une puissance indispensable au monde. et que le malheur ukrainien aurait ranimé l’Europe.
Hervé Juvin
pour l’agence Tass, 26 juin 2022
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