La semaine de plénière du Parlement européen à Strasbourg est dominée par le « Green Deal ». Les chiffres donnent le vertige, les bonnes intentions aussi. Elles dégoulinent du discours de M. Timmermans, comme le déluge de milliards qu’il convoque. Le monde a bien besoin d’être sauvé. Il attend M. Timmermans — M. Timmermans en tous cas en est certain.
Les OGM expérimentales
Comment croire à tant de belles intentions portées par tant de suffisance ? J’aimerais m’y laisser aller, surtout quand ce sont des représentants de la France qui parlent, mais comment faire ? Les détails tuent. Au moment où l’Union célèbre le Green Deal, la France autorise par décret les cultures expérimentales en plein champ d’OGM à fins vétérinaires. En d’autres, termes, pourra débuter la culture de plantes qui produiront de la trypsine, un accélérateur de croissance pour les porcs.
Ma longue mémoire me pousse à rechercher la condamnation, au début des années 2000, d’une entreprise américaine, Starlink, qui s’était livrée au même essai. Des graines produisant la trypsine avaient été retrouvées… dans des maïs destinés à nourrir les hommes ! Inutile de décrire les effets de ces accélérateurs de croissance sur l’homme et les enfants ! La société avait été condamnée à brûler ses 60 hectares de culture expérimentale, et à 110 millions de dollars d’amendes. Et voilà ce que, en catimini, au moment où ses porte-parole se succèdent pour vanter le « Green Deal », le gouvernement français autorise ces cultures en plein champ. Or, nous ne savons pas arrêter la contamination par les OGM. Qu’en disent Mme Rivasi, MM. Jadot et Camfin, ou bien sont-ils aveugles devant le premier problème écologique immédiat qu’est l’empoisonnement des hommes par l’industrie agroalimentaire ?
Si c’était une exception ! Mais se pencher sur le Green Deal s’avère vite un cauchemar.
Le cauchemar du Green deal
D’abord parce que la taxonomie est l’objet d’une bataille de lobbys. Il s’agit d’établir la liste des énergies qui seront jugée conformes à l’objectif de réduction des émissions, celles qui contredisent l’objectif ; que le nucléaire soit ou non considéré comme énergie décarbonée est une question à plusieurs dizaines de milliards d’euros ! À chacun d’imaginer que les ennemis de la France se frottent les mains ; l’occasion est si belle de nuire à l’indépendance française en sapant le nucléaire civil, alors que civil et militaire sont indissolublement liés !
Ensuite, parce que les industriels des poisons, du glyphosate aux néonicotinoïdes, sentant bien qu’ils sont en train de perdre la bataille de l’opinion, attaquent durement les cultures bio, et marquent des points ; en France toujours, la région Aquitaine porte plainte contre une décision du gouvernement qui donne au préfet l’autorité sur les aides aux cultures biologiques, ce qui est un bon moyen d’enlever aux électeurs un pouvoir qui nuit aux industriels du vivant. Reste à voir si, pour un préfet, la santé de la population compte face aux intérêts des Bayer et cie.
Enfin, parce que le protocole de Kyoto ne comptant pas dans les émissions de CO2 le CO2 d’origine végétale, sous le prétexte fallacieux que les arbres repoussent, sans tenir compte de la capacité réduite des sols à capter le CO2, se multiplient en Europe les projets de reconversion de centrales à charbon en centrales à biomasse, ce qui laisse augurer de nouvelles pressions à la déforestation et de nouvelles escroqueries des producteurs de biomasse, sachant que le taux de rendement énergétique (TRE) est dérisoire (souvent inférieur à deux unités produites pour une consommée — là où le TRE du charbon est de… 50 pour 1 !), en clair que les centrales à biomasse ne peuvent fonctionner sans subventions massives – l’escroquerie de l’éthanol et des biocarburants aura des suites…
Voilà ce qui me fait souvenir de la plus grosse escroquerie récente en Europe, celle des crédits de CO2, de l’ordre de plusieurs milliards d’euros — les policiers français parlent encore de « l’escroquerie du siècle » dont certains coupables coulent des jours heureux. Les eurocrates qui annoncent des plans à 100 milliards, d’autres à 1000 milliards pourquoi pas, se rendent-ils compte des appétits qu’ils suscitent et des commissions qu’ils promettent ?
L’ambition est louable. Le concert de bonnes intentions qui l’entoure devrait susciter la défiance. Le plus grave est l’incapacité de débattre, de contester, et d’exiger des rapports d’évaluation, puis un bilan. La formule convenue des commissaires est « nous nous félicitons que… » La Commission est une immense entreprise de félicitations qu’elle s’adresse à elle-même, et que rien ne peut ébranler, ni le lamentable échec du traité de Lisbonne, ni le tragique abandon de la frontière méditerranéenne aux passeurs et aux migrants, ni l’effet délétère d’accords de libre-échange qui continuent de détruire l’emploi industriel et de laminer les classes moyennes.
Qui va évaluer l’impact du Green Deal sur les PME, sur l’activité dans les territoires, sur les conditions de vie en zone rurale ? Qui va établir une relation entre les progrès réels qui seront accomplis, et les inévitables effets négatifs ? Et qui mesurera les investissements effectifs, tangibles, et les commissions, frais de gestion et autres prestations de services captés par la sphère financière ?
L’Union européenne est si fière de ses bonnes intentions que jamais, jamais, elle n’accepte d’être confrontée à ses résultats, de s’en tenir aux faits, et de regarder son bilan en face. Le Parlement devrait s’y employer. Nous nous y emploierons.
Hervé Juvin, le 21 décembre 2019
0 commentaire