Voici quelques mois, au plus fort de la campagne pour les européennes, une collaboratrice du Journal du Dimanche avait été missionnée pour « fact checker » une information récurrente (sur les langues parlées) dans mes discours :
Pendant la durée de ma vie, les deux tiers des langues parlées dans le monde ont disparu. La modernité tue la diversité humaine.
Pour alimenter son pensum, la journaliste avait trouvé un « chercheur » qui, visiblement mal à l’aise, avait fini par déclarer que « on ne peut pas dire ça comme ça ». Vraiment ?
L’ONU et l’UNESCO avaient déclaré que 2020 serait l’année des langues minoritaires. Elles viennent à nouveau de tirer la sonnette d’alarme ; 4000 langues sont encore parlées sur la planète (elles étaient probablement encore 12 000 en 1950) dont certaines n’ont plus qu’une poignée de locuteurs. Et elles alertent ; « 95 % des langues parlées sur la planète pourraient avoir disparu à la fin du XXIe siècle ».
De Paul-Emile Victor à Philippe Descola, et de Claude Hagège à Dominique Wolton, ethnologues et linguistes connaissent tous l’ampleur d’un phénomène qui tend à remplacer les langues locales et régionales par la langue nationale officielle – et les anciens pays colonisés sont souvent les plus violemment centralisateurs – et qui tend également à supplanter les langues nationales par le globish anglais universel.
Il faut entendre les nouvelles « élites » du Cameroun ou de Madagascar afficher leur supériorité en parlant anglais aux équipages d’Air France ! Défendre la diversité des langues, serait-ce l’effet d’un complot de droite à l’ONU et l’UNESCO ?
Je n’ouvrirai pas ici le grand débat sur les langues régionales, le breton, l’occitan, l’alsacien ou le corse. Je me contenterai de rappeler qu’une langue qui disparaît, c’est une manière de dire le monde, le temps, la vie, qui s’efface. C’est une perte pour l’humanité. Et j’attirerai l’attention des « fact checkers ». L’imposition de la globalisation, de l’ouverture des frontières, de la société multiculturelle, du libre-échange, reposent sur des mensonges avérés, que chaque jour rend plus éclatants aux Français.
Les journalistes, ou ceux qui se disent tels, n’ont-ils pas mieux à faire que de servir le sale petit combat contre ceux qui croient à la France, qui aiment la singularité française, et qui y voient une incarnation magnifique de la diversité humaine, parmi d’autres, également magnifiques, et qu’il faut se battre pour préserver comme notre trésor commun ?
Hervé Juvin
0 commentaire