« Les questions de défense sont d’une immense importance ». Voilà la phrase de Charles Péguy qu’il convient de placer en en-tête de cette lettre, la phrase de cet immense poète et humaniste français, fauché à la tête de sa section par une mitrailleuse allemande dès l’été 1914.


Comment échapper à l’Ukraine ? Tous les regards se portent vers l’invasion russe, ses échecs supposés ou ses succès potentiels, tous les regards se perdent dans le brouillard de la guerre qui permet toutes les conjectures et entretient toutes les ambiguïtés. Que l’Ukraine se méfie de certains qui lui veulent trop de bien, comme la Pologne qui lorgne vers la Galicie, et que l’Union se méfie de certains qui disent si bien la protéger ! La seule leçon de l’histoire, souvent rappelée par Gérard CHALIAND, est ; « Malheur aux vaincus ». Vae victis ne se dément jamais. Voilà pourquoi mieux vaut une paix honorable qu’une guerre qui dure. Voilà pourquoi la pire des guerres est celle qui humilie un peuple. Voilà pourquoi le retour de la diplomatie, l’art de tout entendre, de tout comprendre et de tout négocier, est urgent.


Dans cette lettre Défense et Stratégie de mars 2022, nous publions une longue analyse d’Henri Malosse sur les origines proches du conflit en Ukraine, une analyse nourrie d’une fréquentation personnelle de décennies avec la Pologne la Hongrie, la Bulgarie et l’Ukraine, une analyse qui évite les simplifications abusives et le manichéisme de rigueur. Nous revenons ensuite sur l’Allemagne. Jusqu’où ira le revirement spectaculaire de la coalition au pouvoir ? Jusqu’où l’émotion provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine prendra-t-elle le pas sur les intérêts raisonnés de l’industrie allemande, qui passent encore et toujours par l’entente avec la Russie ? et jusqu’où l’achat de F 35 préférés au Rafale, et le recours à la fusée américaine Space X de préférence à la fusée européenne Ariane pour emporter le satellite Galileo sont-ils des signes ? Et de quoi ?

Toutes ces questions vont bien au-delà d’une opération de correction de frontières, comme la propagande russe voudrait nous le faire croire. Face à la guerre, des masques tombent, des postures se décomposent, des réalités apparaissent. Rien de neuf dans l’histoire, sinon une montée aux extrêmes qui menace à chaque instant – l’incident de trop se rapproche à mesure que la guerre dure. L’expérience acquise par tant de militaires commande de tout faire pour en arriver à la paix, vite, et sans défaite pour quiconque. Mais tout est neuf pour une Union européenne qui a évité la guerre, qui a fui la guerre, qui a délégué la guerre à d’autres, comme elle l’a fait honteusement lors de la décomposition de l’ex-Yougoslavie, comme elle pourrait bien le faire prochainement quand les Balkans de l’Ouest vont connaître de nouveaux épisodes de violence entre communautés, voire de conflit ouvert.

Face à la guerre, devant la crise, l’Union continue de parler d’élargissement, d’étudier l’entrée d’États faillis, d’États mafieux ou d’états factices, comme le Kosovo ou le Monténégro, sans parler de l’Albanie. Et elle continue de prétendre sanctionner la Pologne et la Hongrie, qui font face à un afflux de réfugiés ukrainiens à ce jour remarquablement accueillis. Les contradictions éclatent, l’Union célèbre d’une main ceux qu’elle punit de l’autre. Devant tant d’inconscience, ajoutée à tant d’inconsistance, que faire sinon citer Eschyle ? « Les Dieux adorent aider ceux qui conspirent à leur propre perte ».

Lettre-Diplomatie-Defense-XIII-N-18-mars-2022-1-1


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