Ce mois de mai 2023, le localisme fait son entrée dans le dictionnaire Petit Larousse ! Cette reconnaissance d’un mouvement qui grandit en Europe et dans le monde salue tous ceux, de France et d’ailleurs, qui bénéficient d’un environnement sain, bienveillant et beau, qui veulent le conserver, le promouvoir et le transmettre.
Ces localistes ont quatre ennemis.
1 ) Les apprentis sorciers qui veulent leur faire croire qu’en abandonnant leurs traditions, leurs frontières et leurs identités, et en donnant les clés à ceux qui se croient supérieurs par élection divine ou par leur génie propre, le monde sera meilleur. L’autonomie locale, territoriale, communautaire, est la voie de la transition écologique réussie.
2 ) La financiarisation qui veut que tout soit à vendre, les hommes comme les gênes et la terre comme l’air, que les biens communs soient privatisés, et que le monde ne soit plus qu’un marché commandé par la rentabilité du capital. L’écologie est la forme la plus actuelle du combat social pour l’égalité et les libertés. Décidons nous-mêmes de ce qui nous concerne !
3 ) La globalisation, qui conduit à proposer des réponses globales à des problèmes tels que la disparition de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles et le dérèglement climatique, qui ont pour première cause la globalisation elle-même. L’avenir est à l’éloge des frontières :
4 ) L’intrusion du numérique dans chacun des aspects de la vie, à travers l’identité numérique, la monnaie numérique, la santé numérique, qui séparent l’homme de la nature plus radicalement encore que la révolution industrielle. « Tapez 2, tapez 3″ est l’arme de destruction massive des communautés, des proximités, et du localisme. Plus jamais ça !
Le silence des prétendus « Verts » sur le sujet est assourdissant. L’écologie est le prétexte aux politiques les plus anti-sociales, anti-démocratiques et anti-libérales poursuivies depuis trente ans. La transition écologique est un chèque en blanc donné aux dérives de techniques qui menacent l’existence de l’humanité elle-même, de l’IA aux vaccins à ARN messager. Et l’alignement des Verts au Parlement européen sur les intérêts américains devrait avertir sur leur complicité avec la ploutocratie qui s’est emparée de Washington, et dont le grand peuple américain entreprendra tôt ou tard de se libérer.
Le temps est venu d’élever la voix sur ces quatre sujets. Pour que renaissent nos villages, nos villes et nos régions. Pour que nos traditions, nos singularités, et ces cultures nées de siècles d’intimité avec des écosystèmes tous différents, tous uniques, redeviennent notre bouclier contre les illusions du changement. Pour renouer l’alliance entre les hommes et la nature dont ils sont membres.
Ceux qui prétendent nous conduire vers un monde meilleur n’ont réussi à ce jour qu’à nous diriger vers le pire des mondes, celui des zélateurs de Davos, des Hariri et cie, celui contre lequel Claude Lévi Strauss, Noam Chomsky ou Hannah Arendt n’ont cessé de nous prévenir, un monde dont la diversité humaine et naturelle, notre trésor commun, aurait disparu. La banalité du mal est là, chez ceux qui prétendent changer l’humanité et faire advenir l’homme nouveau, ce qui a toujours, toujours désigné une tentation totalitaire.
Attendre le salut du génie inventif de l’homme libéré de toutes entraves n’a fait à ce jour qu’aggraver les dégâts provoqués par la fuite en avant technique. La priorité écologique est de rendre à nos démocraties le pouvoir sur la science et la technique qu’elles ont abandonné. Il est urgent de retirer aux usuriers de la brevetabilité du vivant, de la privatisation de la santé, comme aux rentiers des « Intellectual property rights » les privilèges que nos démocraties leur ont abandonnés. Sinon, la science et la technique détruiront nos démocraties comme la « woke » culture détruit la nature humaine. Les économies de rente sont les pires ennemies du progrès collectif.
La prétendue « transition écologique » ordonnée par l’Union européenne est au service du globalisme. Elle est à l’origine d’une régression sociale sans précédent. Elle est intrusive, supprime des libertés essentielles, et menace de s’en prendre à la propriété privée — les habitations qualifiées de « passoires thermiques » interdites à la location le seront bientôt à la vente. Qu’en diront des millions de Français, propriétaires expulsés ? Elle affirme comme des faits établis des paris incertains, comme les bénéfices écologiques du tout électrique, tout renouvelable, tout numérique. Et elle porte atteinte aux droits humains fondamentaux, suivant les commandements du World Economic Forum qui vient de déclarer que l’accès à l’eau n’était pas un droit humain (le 5 mai) !
Cette transition est dictée de l’extérieur, par des ONG, des Fondations et des organisations étrangères aux Nations européennes. Elle a pour fonction stratégique de détruire les moyens de l’indépendance européenne, le nucléaire étant suivi par l’automobile allemande et l’armement français. La contrainte énergétique aggravée par les sanctions contre la Russie conduit les pays de l’Union à devenir des économies de service, dépendants de l’extérieur pour satisfaire les besoins vitaux de leurs populations. Les paniques écologiques, et d’abord le réchauffement climatique, ont été instrumentalisées pour obtenir le résultat attendu ; le sabordage par l’Europe des moyens de son indépendance — et d’abord, sa compétitivité industrielle, ses excédents commerciaux, bientôt, sa monnaie elle-même (qui analyse l’effet sur l’euro du déficit commercial allemand en 2022, 85 milliards d’euros, le premier depuis deux générations ?)
La priorité écologique est localiste. Elle consiste à rendre nos territoires autocentrés et autosuffisants, à la fois pour réduire les risques liés aux dépendances extérieures, les pollutions de la mobilité forcée, et pour leur permettre d’exprimer le meilleur d’eux-mêmes pour l’exporter. Elle place sous contrôle citoyen les organisations financées depuis l’étranger. Les Français responsables de leur territoire, dans leurs frontières, au nom de ceux qui sont morts avant eux et de ceux qui naîtront après eux, sont les meilleurs intendants de la nature et de la vie que les nomades prédateurs sont prêts à vendre au plus offrant.
L’alignement de l’Union européenne sur l’agenda globaliste mobilise la transition écologique pour mieux aligner, conformer, uniformiser, un cadeau aux groupes mondialisés dont le naufrage des PME européennes va révéler l’ampleur. La plus grande sottise, partout répétée, est que le changement climatique étant universel, appelle des réponses universelles. Double sottise, puisque le changement climatique dramatique ici peut être bénéfique là — la Russie pourrait en être bénéficiaire. Sottise encore, puisque la réponse à un dérèglement directement issu de la globalisation — transports, besoins en énergie, niveau de consommation — ne réside pas dans plus de globalisation, mais dans des approches locales, différenciées selon les territoires, respectueuses de traditions dont beaucoup résultent de l’adaptation séculaire à des écosystèmes spécifiques — qui peut soutenir que la réponse pertinente au dérèglement climatique soit identique en Finlande et en Sicile, au Bangla Desh et au Sahel, en Israël et en Alaska ?
Et qui ne voit que beaucoup des normes dictées par les lobbys ont pour première fonction d’éliminer les PME et les artisans comme les solutions locales, au profit des produits standardisés des multinationales, ennemies de notre patrimoine comme de la beauté de nos villages et de nos villes ? Les normes éliminent la capacité d’organisation spontanée des sociétés humaines, pour la remplacer par les modèles des consultants, les tableurs des auditeurs, et la conformité globale. Voilà pourquoi toute politique écologique est conservatrice, localiste, et sociale — affirmant les droits des sociétés politiques au-dessus de ceux de la cupidité individuelle, de la rentabilité du capital et de la privatisation des biens communs.
La transition écologique européenne est une aubaine pour la finance globale. Que signifient tant de milliards d’investissements dont seule la dépense publique assure la rentabilité ? L’indécence des subventions publiques que mobilise la transition écologique européenne, notamment dans les renouvelables, n’a d’égale que la violence des rentabilités atteintes grâce à l’argent public ; les contribuables européens financent à travers les prix d’achat garantis aux éoliennes l’une des pires escroqueries de leur histoire ! Le pillage de l’argent public a trouvé dans la transition écologique un eldorado.
Il est tout aussi grave que la centralisation favorable aux géants de la gestion de capitaux et du crédit contribue à la destruction des autonomies territoriales et des singularités nationales et régionales. Elle se déroule au détriment des banques locales ou régionales, des coopératives et des mutuelles, des logiques territoriales et localistes. Son premier effet est l’éloignement des centres de décision, pour lesquels tout projet se réduit à des états financiers, sans visage, sans poignée de main, sans rien de ce qui fait société.
Le second est l’alignement sur de prétendues normes de rentabilité internationales, souvent supérieures à 15 % annuels, qui n’ont rien à voir ni avec le niveau soutenable d’exploitation des ressources naturelles, ni avec le niveau soutenable des revenus d’une banque durable, de l’ordre de 5 % à 7 % — de quoi rémunérer un réseau, des salariés, des sociétaires, et le coût du risque. Enfin, c’est la difficulté d’accès à l’offre écologique que ces investissements sont supposés financer ; l’augmentation des rendements financiers se traduit toujours par une raréfaction de l’offre et de la demande solvables.
Les exigences de rendement financier actuel sont en elles-mêmes destructrices de l’environnement et de la société ; il est grave que la transition écologique européenne se présente d’abord comme une aubaine pour la finance globale, appelée à mobiliser des capitaux, arbitrer des projets, gérer les investissements, sans aucun rapport avec l’utilité réelle, les services écosystémiques et la réalité territoriale (lire Arnaud Berger, Annales des Mines, XXX). Toute économie repose sur la gratuité des processus naturels — la germination des plantes, la croissance des arbres, le cycle de l’eau, la photosynthèse, n’ont pas de prix. Qui dira qu’ils n’ont pas de valeur ? Les systèmes par lesquels la prétendue transition écologique donne un prix à la vie, à la reproduction et à la nature sont des systèmes de mort — des systèmes qui réalisent la malédiction biblique de l’homme maître et possesseur de la nature, et condamnent ceux qui s’en inspirent à la ruine, à la haine, et à l’extermination finale. Tout projet écologique est localiste ; il restaure la liberté des acteurs à s’organiser selon leurs choix, à déterminer eux-mêmes les cadres et les statuts de leur action collective — et les formes associatives, coopératives ou mutualistes, comme les monnaies locales, qui préviennent l’accumulation des réserves ou leur concentration privée sont au cœur des solutions efficientes de financement. Et tout projet écologique appelle au contrôle collectif des techniques et de la science — le gouvernement des experts a toujours débouché sur les pires régimes politiques, l’avènement de l’homme nouveau a toujours ouvert des horizons de cauchemar, et ceux qui prétendent conduire l’humanité vers des jours meilleurs ont toujours été les pires ennemis des hommes d’ici, de chez nous et de leur terre que nous sommes.
Hervé Juvin
Strasbourg, le 9 mai 2023
0 commentaire