Le désordre des esprits suit la grande pagaille qui a accompagné l’arrivée de la pandémie de COVID19 en Europe. Rien d’étonnant à ce que l’incohérence des pouvoirs publics et la confusion des instructions, dont la France a donné un regrettable, mais notable exemple, exercent leurs effets ; la parole gouvernementale a perdu toute crédibilité, le recours abusif aux experts a ruiné la confiance dans les compétences, l’opacité des négociations et les trop évidents conflits d’intérêts qui entourent les relations avec les laboratoires pharmaceutiques font douter des prescriptions officielles.
Une demande de vie, de vraie vie
Et voilà que fleurissent les théories du complot, que s’enflamment les doutes sur la réalité de la pandémie, sur son impact effectif sur la mortalité annuelle, sur les effets comparés de la pandémie et des confinements divers en termes de perte d’années de vie « utile ». Et voilà qu’en Allemagne comme en France, en Italie et aux Pays-Bas comme en Espagne et ailleurs, des manifestations réunissent des dizaines de milliers de personnes contre les confinements et les masques, et voilà aussi que les voix de prétendus leaders d’opinion s’élèvent pour contester dans leur ensemble et l’importance de la pandémie, et les dispositions prises pour la combattre, et les vaccins disponibles.
En Pologne, des commerces ont rouvert en dépit des dispositions légales ; en Italie comme en France, des milliers de restaurateurs sont prêts à servir à nouveau leurs clients. Et d’aucuns les encouragent fortement à aller dans cette voie, répétant un constat qui leur semble de bon sens ; « vivre vraiment c’est aussi accepter quelques victimes collatérales ».
L’avènement du corps
Que vont-ils se perdre ! Leurs incitations, irresponsables tant les conséquences peuvent être lourdes pour ceux qui les suivent, traduit leur ignorance d’une dimension fondamentale de l’expérience moderne ; l’avènement du corps, la préférence à tout prix pour la vie. Pour avoir publié chez Gallimard, voici bientôt vingt ans, un essai sur ce thème, « L’avènement du Corps — quand mon corps est mon seul patrimoine », je ne peux que mettre en garde ceux qui sont tentés par cette voie dangereuse. La préférence pour la vie est l’une des émergences déterminantes des vingt dernières années, au point que tout gouvernement est aujourd’hui redevable de quatre-vingts ans de vie en bonne santé, sans souffrance ni handicap, à toute la population.
C’est l’effet de cet « Avènement du corps » qui résulte de trois ruptures capitales ;
– dans la majorité des sociétés dites « développées », à peu près plus personne ne croit que sa conduite dans cette vie va décider de sa vie après la mort, pour l’éternité ; la sortie de la religion est pour l’essentiel cette perte de l’éternité.
– Bien au-delà de ces sociétés, et à peu d’exceptions près, même les plus résolus des militants politiques ne croient plus dans ce salut révolutionnaire qui justifiait le sacrifice de sa vie pour la cause.
– Non seulement les jeunes civils, mais désormais aussi des membres des forces de l’ordre et des militaires ne considèrent plus que le service de la Nation, la défense de son territoire et de la sécurité de ses citoyens valent de risquer sa vie, mais la notion même de violence légitime est remise en question, plus rien ne valant qu’une vie ne soit mise en cause.
Aucun doute à ce sujet ; un responsable politique, un élu, un gouvernant, ne peuvent prendre aucun risque dès que des vies humaines sont en jeu. La préférence absolue pour la vie est une préférence pour un an, un mois, un jour de vie, qu’exprime la vaccination médiatisée de personnes de plus de 100 ans ! Il est permis de la juger absurde, il est impossible de raisonner en termes d’années de vie utile, comme le ferait un assureur.
Tout a basculé depuis l’affaire du sang contaminé, tout s’est éclairé quand les familles de soldats morts en opération en Afghanistan ont porté plainte contre l’armée pour n’avoir pas assuré la sécurité de leurs enfants, tout se renforce lorsque chaque intervention légitime de la police ou de la gendarmerie résultant dans la mise hors d’état de nuire d’un délinquant est l’objet de recours, de manifestations, et d’indignation. Dans un monde sans transcendance et sans espoir d’ailleurs, chacun de nous n’a que ce corps, ces années de vie, ces années de plaisir, de joie de vivre, de satisfactions diverses — et puis plus rien. Quand mon corps est mon seul patrimoine, les années de vie en bonne santé sont un actif qui vaut plus que tous les autres !
La peur des gouvernements
Et voilà pourquoi, à « instar de Mme Buzyn qui a obtenu l’immunité diplomatique en partant en Suisse représenter l’OMS, tous les responsables de la lutte contre le COVID cherchent par tous les moyens à éviter la mise en jeu de leur responsabilité. Et voilà pourquoi partout en Europe, les dispositifs de lutte contre le COVID sont si pesants, si contraignants, aucun gouvernement ne pouvant supporter l’accusation de n’avoir pas fait tout le nécessaire, et même, plus que le nécessaire !
- Trois conclusions devraient s’imposer. La responsabilité des gouvernants est d’abord de savoir, et de faire savoir ce qui motive les décisions qu’ils sont seuls à pouvoir prendre. Le retard mis dans la publication des études portant sur tous les traitements possibles du COVID19, des antibiotiques classiques aux anti-inflammatoires et médicaments connus comme la chloroquine, est fatalement interprété comme le résultat de la connivence entre grands laboratoires pharmaceutiques et autorités européennes et nationales. Il est urgent que toute la clarté soit faite sur les séries statistiques disponibles et sur les effets comparés des traitements.
- Le gouvernement des experts, des comités et des éminences, comme celui des donneurs de leçon de morale, se termine toujours mal. Seuls sont légitimes à prendre des décisions qui engagent plus que la santé publique, l’avenir de la Nation, les élus et le gouvernement quand ils servent l’intérêt général. La confiscation du débat public, de l’arbitrage gouvernemental par la Commission européenne, négociant seule, dans une opacité complète, avec les laboratoires pharmaceutiques, l’achat de vaccins pour les membres de l’Union, est indécente. Les députés européens qui veulent consulter les contrats — plusieurs centaines de pages ! — signés par la Commission, comme l’ont fait les courageux Joelle Mélin et Gilles Lebreton le 13 janvier dernier, ne peuvent le faire qu’après avoir abandonné téléphone et moyens de reproduction, pour 50 min, et seulement en anglais — pour trouver les passages importants soigneusement caviardés ! Ainsi va la transparence dans l’Union européenne…
- La mise à l’écart de la médecine libérale, la fin programmée du médecin de famille, annonce ce qui est une part du “Great Reset” ; l’homme doit devenir une mécanique comme les autres. L’autoritarisme sanitaire en vigueur ignore les particularités locales, régionales, comme il ignore les histoires individuelles, les contextes familiaux ; l’indifférenciation qui règne, avec des patients réduits à leur matricule, ne renvoie pas pour rien à des souvenirs du terrible XXè siècle. Et il est impossible de ne pas voir qu’au moment où les professionnels de santé se voient imposés des textes liberticides, qui détruisent leur faculté de conseil et leur liberté de prescrire, des textes qui sont écrits pour asseoir le monopole des “Big Pharma” et de l’industrie sur la santé humaine, des indépendants, commerçants, artisans, petits entrepreneurs, se voient eux aussi menacés de disparition. La prise de pouvoir des monopoles et des groupes multinationaux à la faveur de la pandémie pose au politique une question simple ; si ces décisions ont toutes les apparences de la légalité qu’elle est leur légitimité ? À cette question, nous mettrons longtemps à trouver la réponse.
Hervé Juvin
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