Toutes les règles établies au moment de la préparation de l’euro ont été oubliées, tous les traités européens rompus, toutes les limites dépassées.

Ces traités européens caducs

C’est le cas du traité instituant la BCE. L’objectif unique de stabilité des prix est oublié. La BCE pratique la monétisation des dettes, se prépare à acheter des titres de toute nature (y compris des titres de titres ayant un rating de junk-bonds) et annonce qu’elle fera tout ce qu’il faut (selon Mario Draghi, repris par Christine Lagarde, le 30 avril encore, « whatever it takes ») pour sauver l’euro. Elle assume un rôle politique, s’engage dans le soutien du prix des actifs financiers, et se permet des opérations strictement interdites aux banques centrales des États membres, comme la monétisation des dettes publiques. Et la règle qui limitait l’aide de la BCE à des pays en difficulté en fonction de leur participation à son capital elle aussi a été suspendue.

C’est le cas du Pacte de stabilité, plus connu sous le nom de « traité de Maastricht. La majorité des pays de l’Union ne respectera ni le critère de dette publique sur PIB, ni celui de déficit budgétaire, et celui d’inflation est oublié. Les colonnes du temple de la rigueur budgétaire et de la vertu des finances publiques devaient assurer la convergence des nations membres de l’union monétaire ; tous, tous Allemands, derrière l’euro-mark ! Chacun peut voir ce qu’il en est advenu !

C’est le cas de dispositifs comme le Mécanisme Européen de Stabilité, dont les concours sont subordonnés à des conditions rigoureuses de rigueur budgétaire (appliquées par exemple à la Grèce). Après l’Eurogroup du 8 avril, il semble que ces conditions soient suspendues, sans que les Italiens et les Français d’un côté, les Néerlandais ou les Allemands de l’autre, aient le même avis à ce sujet (d’ailleurs l’Italie refuse à ce jour d’y avoir recours).

C’est le cas du Pacte de stabilité et de croissance, de 1997, comme du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro de 2013, qui le précise et le renforce, avec ses prescriptions budgétaires imposées en violation manifeste de la souveraineté des États.

Coronabunds & traités européens

C’est aussi le cas de l’équilibre entre les institutions de l’Union européenne. Sous des prétextes divers, la Commission européenne a continué à s’insinuer dans les domaines réservés aux États, jusqu’à s’inventer une diplomatie, jusqu’à se prétendre gardienne de “valeurs” autoproclamées, jusqu’à financer des Fondations et des ONG ouvertement hostiles à la souveraineté des Nations.

C’est enfin le cas de l’accord de libre-circulation, dit accord de Schengen, qui a considérablement facilité l’immigration illégale et le pillage des systèmes les plus favorables par les migrants. 16 pays participant à cet accord en ont suspendu les effets, fermant tout ou partie de leur frontière ; parmi eux, beaucoup des pays, comme l’Autriche ou la Hongrie, qui ont le plus efficacement contenu la pandémie. Et certains pays, comme l’Italie, n’ont pas jugé utile d’avertir l’Union européenne de leur décision de fermer leurs frontières ; d’ailleurs, à quoi bon ?

Un aveuglement idéologique

L’Union européenne refuse de voir l’évidence ; si le sol sur lequel est construit le Parlement européen de Bruxelles menace d’effondrement, le sol des traités et des institutions sur lequel l’Union affiche son arrogance s’est déjà effondré, miné par le coronavirus, et plus profondément, par la réalité nationale plus forte que tous les traités, les pactes et les injonctions étrangères. Plus rien de ce sur quoi la nouvelle Union européenne s’est construite depuis l’Acte Unique et le traité d’union monétaire ne tient debout. Inconsciente, ou provocatrice, l’Union n’en tient aucun compte, signe le 28 avril un accord de libre-échange avec le Mexique sans aucune garantie environnementale et sanitaire (voir le communiqué d’Interbev), appelle à garder les frontières ouvertes, et entend ouvrir les négociations de préadhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, sans tirer aucune conclusion de l’échec avéré des adhésions récentes, sans remettre en cause le principe “un État, un commissaire” — l’Albanie avec un commissaire européen, comme l’Allemagne ou la France ! Autrement dit, l’Union européenne continue de courir sur la vitesse acquise parce que tout arrêt la condamnerait sans recours.

La lucidité commande d’en tirer toutes les conséquences. L’Union telle qu’elle a été subvertie dans les années 1980, telle qu’elle a été soumise à la globalisation marchande, n’est pas l’Union voulue par ses fondateurs. Et l’Union monétaire a été conclue à des conditions qui creusent un écart à terme insurmontable et insupportable entre pays du Nord et du Sud. Elle n’est pas durable en l’état.

L’Europe soumise à l’union monétaire, l’Europe de Maastricht a vécu.

Nous n’en conclurons pas qu’il faut ajouter de la crise à la crise, comme ceux qui voient dans l’effondrement économique actuel un bon prétexte pour sortir de l’euro, faire éclater l’Union, et abandonner tout espoir réel d’indépendance et de souveraineté, qui ne peuvent exister que si elles sont coordonnées et partagées.

Un avenir pour l’Union ?

Pourtant, les circonstances banalisent la sortie d’un pays de l’Union de la monnaie unique. Sortir de l’euro n’est plus l’épouvantail agité partout, depuis que la pandémie menace de ruiner l’épargne et l’entreprise.

D’abord en raison du “Brexit”. L’Union n’est plus un club dont nul ne peut sortir. Ce qui s’est produit peut se reproduire, même si l’euro introduit une dépendance de niveau supérieur entre ses participants.

Ensuite et surtout parce que les conséquences considérables de la pandémie sur les équilibres macro-économiques de la plupart des pays de la zone euro relativisent considérablement les effets d’une sortie de l’euro, qui peuvent sembler noyés dans le brouillard macroéconomique provoqué par la pandémie. Les prévisions apocalyptiques – – 3 % de croissance, 2 % de déficit public, etc. — associés à la sortie de l’euro semblent aujourd’hui anecdotiques par rapport aux impacts annoncés de la pandémie — jusqu’à 8 % ou 10 % de déficit public, -8 % de croissance, etc.

Enfin, parce que plusieurs pays membres de l’Union considèrent que l’Union a fait preuve d’une indifférence coupable, voire d’une absence totale de solidarité à l’occasion de l’impact asymétrique de la pandémie. Les excuses publiques de Mme Van der Leyen veulent tout dire. Il leur manque seulement de reconnaître que les déficits des pays du Sud ont pour une part non négligeable leur contrepartie dans les excédents commerciaux de l’Allemagne et des pays du bloc mark. Face à la pandémie, comme face l’invasion migratoire, seuls, des Etats ont tenu, des Nations se sont levées, et l’Union a manqué, quand elle n’a pas trahi.

L’expérience commande de reconnaître que l’union monétaire repose sur la croyance que les peuples des Nations membres vont peu à peu adopter les mêmes comportements en matière d’épargne, de discipline budgétaire, de tenue des déficits publics, etc. Cette croyance est démentie par les faits. Les identités nationales sont plus puissantes que tous les mécanismes de convergence forcée institués par l’Union européenne, que les traités et les engagements chiffrés.

Voilà pourquoi il est urgent que la France prenne l’initiative d’une conversation entre chefs d’État, préparant un nouveau traité d’Union des Nations européennes, sur la base de la diversité et de la souveraineté des Nations, sur la base aussi d’une commune recherche de puissance et d’indépendance.

Traité de l’Elysée, 1963

La seule condition qui puisse rendre pertinent le maintien de l’euro, rallier les opinions qui doutent et permettre de dépasser les spécificités nationales légitimes est le projet d’une Europe puissance, de l’Atlantique à l’Oural, capable d’améliorer la sécurité et l’indépendance des Nations européennes, notamment par la tenue des frontières extérieures, le contrôle des migrations, l’autonomie industrielle, financière et de Défense. Cette Europe puissance serait l’Europe des Nations telles que le traité de l’Élysée, signé par le Général de Gaulle et le chancelier Adenauer, en avait jeté les bases (22 janvier 1963).

C’est le moment français !

Il appartient à la France de restaurer l’Union européenne, la seule qui serve l’Europe, celle des Nations d’Europe — des Nations européennes libres. Cosignataire du Traité de Rome, initiatrice du Traité de l’Élysée, seul membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, la France doit prendre l’initiative d’une refondation de l’Union sur la base d’un accord réaliste et durable des Nations européennes. Elle est seule à pouvoir le faire, ce qui lui donne le devoir de le faire.

La France doit prendre l’initiative que son engagement dans la fondation de l’Union européenne, son autorité internationale, l’autonomie de sa Défense, lui permettent de prendre, et elle seule.

La France invite les chefs d’État et de gouvernement des États membres à prendre acte de l’effondrement des traités et des accords qui ont présidé à la naissance de la monnaie unique et à la construction d’une Europe ouverte au libre-échange, aux mouvements de populations, à la globalisation.

La France appelle les pays européens à refonder leur union dans un projet de puissance et d’indépendance de l’Europe, sur la base de leur souveraineté nationale et de frontières extérieures tenues.

La France appelle les dirigeants des Nations signataires du traité de Rome à une conférence de refondation de l’Europe, à Paris, en juillet prochain.

Drapeau européen brûlé en Italie

Cette conférence aura pour but d’élaborer les principes fondateurs d’une nouvelle Union, principes qui seront ensuite proposés à tous les États membres de l’Union, sur la base de la souveraineté des Nations et de la puissance de l’Europe, dans le but d’assurer l’intégrité de leurs territoires, de protéger les modes de vie et la liberté de leurs citoyens, leur identité et leur diversité, de garantir la défense efficace de leurs frontières extérieures et leur indépendance par rapport à toute puissance extérieure, de gérer dans l’intérêt commun leur monnaie commune en vue du progrès social, de l’équilibre des échanges et de la stabilité des prix.

Cette conférence prendra acte de la rupture des traités fondateurs de l’Union monétaire. Elle engagera la redéfinition du mandat de la BCE, les conditions de négociation des traités commerciaux et de Défense, les modalités de tenue des frontières, de contrôle des mouvements de personnes, de capitaux, de produits et de services, de données et d’informations. Elle travaillera à construire les nouveaux équilibres institutionnels au sein de l’Union, et notamment les rôles respectifs de la Commission européenne, secrétariat permanent du Conseil de l’Europe, et du Parlement européen, représentant des Nations auprès du Conseil.

En cas de refus des Nations invitées à participer à cette conférence, ou d’échec des négociations engagées pour la refondation de l’Union de l’Europe avec tous les États membres, la France devra en tirer toutes les conséquences que comportent la défense de son territoire, l’indépendance nationale, et le principe de souveraineté du peuple français.


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