La rupture de contrat entre l’Australie et la société française Naval Group, ex-DCNS, a provoqué un tollé, le rappel de nos ambassadeurs, et une indignation sélective — quand François Hollande avait trahi la parole donnée et l’intérêt de la France en refusant de livrer les porte-hélicoptères commandés par la Russie, bien peu avaient élevé le ton.

D’étranges coïncidences

Et qui d’autre était ministre de la Défense, sinon ce bon Monsieur Le Drian, qui fait semblant de s’indigner aujourd’hui de ce qu’il faisait hier ? Quatre jours plus tard, la Suisse annonçait renoncer à sa commande de Rafale au profit du F35 américain. Et, pour couronner le tout, l’Allemagne faisait savoir que son armée refusait de prendre livraison de l’avion de transport de troupes A400M… un avion pourtant construit par l’avionneur franco-allemand Airbus ! Chacun attend les manifestations de solidarité de l’Union européenne…

Un malheur n’arrive jamais seul, mais c’est une étrange coïncidence que ces annulations, au moment même où les États-Unis annoncent renforcer leur alliance contre la Chine avec la Grande-Bretagne et l’Australie, où l’organisation d’espionnage dite « Five Eyes » à laquelle la France ne participe pas, accroît ses activités, au moment aussi où l’OTAN renforce ses pressions de toute nature pour intégrer l’industrie de défense des pays membres au complexe militaro-industriel américain.

Coïncidence, vraiment ? Rien n’est dû au hasard sur pareil sujet, des grands contrats d’armement aux incidents de frontières. Rien n’est fait par hasard, et les célébrations du monde multipolaire se brisent sur la réalité d’une partition bipolaire du monde, selon l’oukaze de Georges W Bush ; « si nous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ! »

naval group

Rien n’est dû au hasard, et nous devons accepter l’évidence ; nous assistons à une offensive coordonnée et planifiée contre la France, son indépendance, ses instruments de souveraineté, offensive qui se déclenche à la veille de la présidence française de l’Union européenne (janvier 2021). Et le danger est grand que cette offensive ait pour effet un nouveau et définitif déclassement de la France sur la scène internationale, un déclassement auquel le pouvoir qui s’est emparé de la France pourrait bien souscrire et même, qu’il pourrait accélérer.

La France est dans le viseur

La France est une cible. Parce qu’elle a un État, qui continue de tenir son territoire. Parce qu’elle conserve une administration, forte de fonctionnaires au service des Français, pas des amis de M. Macron, de McKinsey et du système de corruption qui détruit la France. Parce qu’elle demeure une démocratie, et que le peuple français ne se soumet pas à la mafia financière qui entend depuis les États-Unis mettre en coupe réglée l’Europe comme le reste du monde (voir les opérations de Hunter Biden en Roumanie, en Ukraine et ailleurs). Parce qu’elle a une armée, la seule de l’Union européenne à pouvoir conduire des opérations extérieures sans dépendre entièrement du bon vouloir américain.

Parce que son industrie de défense demeure capable de réaliser des systèmes d’armes complets, et ce, sans tomber dans la dépendance de l’administration américaine à laquelle l’utilisation de tout composant américain la soumet (au titre de la règle ITAR notamment). Le point est décisif ; la France est capable de vendre des systèmes d’armes non soumis aux limitations d’usage auxquelles s’expose tout acheteur d’armes américaines — selon un principe robuste ; les armes américaines ne peuvent être employées sans l’accord des États-Unis ni contre eux ni contre leurs alliés, un principe qui fait que tout acheteur du F 35 renonce de fait à son indépendance nationale (la Pologne, déjà dupée dans l’affaire Nordstream, devrait y réfléchir ; que fera-t-elle si les États-Unis décident que la Russie est leur alliée ?).

Parce que les armes françaises, en particulier le Rafale, sont des instruments de souveraineté qui, à plusieurs reprises, en dehors de toute ingérence américaine, ont assuré l’équilibre des forces ; mission des Rafales lors de la guerre entre l’Inde et le Pakistan, avec tirs à angles serrés en Himalaya à très haute altitude ; mission contre les troupes chinoises lors de la confrontation au bord du Tibet ; mission d’interdiction aérienne et de pénétration en profondeur de l’Égypte, etc.

Parce que l’arme nucléaire française demeure, en partie au moins indépendante, et joue grâce aux sous-marins SNLE un rôle que les discours ignorent, que les praticiens de l’équilibre nucléaire connaissent bien ; la dissuasion française, hors du bipôle USA-URSS a ainsi joué un rôle déterminant dans le changement de la doctrine nucléaire russe, dans les années 1970 et son retour vers une conception politique, non plus tactique, de l’arme nucléaire (lire à ce sujet Jacques Sapir, « Chroniques stratégiques », L’Esprit du Temps, 2020), et l’incertitude de la position française en cas de conflit conventionnel en Europe demeure une inconnue qui pèse — et qui justifie à elle seule le siège de la France au Conseil de sécurité de l’ONU.

Tout ceci est en danger. L’Inde, l’Égypte, la Grèce, et bien d’autres, ont compris l’atout que des systèmes d’armes échappant au contrôle américain représentent. Il faut les souhaiter plus nombreux. Mais il faut surtout que la France accepte l’évidence ; les États-Unis ne sont plus l’allié d’évidence qu’ils étaient. Les Anglo-américains resserrent une alliance dont la France est non seulement exclue, mais dont elle est la cible — secondaire certes, mais l’essentiel est pour eux d’en finir ave toute velléité d’indépendance française.

(Crédits : Dassault Aviation)

Le couple franco-allemand n’existe pas

Et voilà à quoi vient servir l’Allemagne, une Allemagne qui confirme le rôle qui lui est échu ; être le superintendant des intérêts anglo-américains en Europe. Bien peu est dit, étudié, analysé en France sur le succès récent remporté par Mme Merkel. Sans avertir quiconque, elle a obtenu au terme d’un échange tripartite entre Russie, États-Unis et Allemagne, l’achèvement de Nord stream 2. Et la vraie question réside dans les contreparties qu’a dû donner Mme Merkel, une question qui met la France en jeu. Car tout indique que la préférence irrationnelle de la France pour l’Allemagne, l’obsession de complaire à l’Allemagne, de signer avec l’Allemagne, donne à celle-ci un levier sans équivalent sur l’intérêt français et les positions françaises en Europe.

La présence des « Verts » dans la future coalition de gouvernement pourrait accélérer la liquidation méthodiquement entreprise par l’Allemagne de l’industrie de défense française, de Nexter à Dassault et d’Airbus à Safran, et tenir l’engagement de Mme Merkel contre la France ; en finir avec la Défense française. L’Union européenne n’est pas le moyen de l’indépendance de la France. La complaisance que sollicitera tôt ou tard la France de la part de la BCE, donc de la Bubndesbank, pourrait se payer au prix fort, par exemple par le partage du siège de la Frane au Conseil de sécurité de l’ONU. Et de quel prix la France va-t-elle payer la concession allemande sur le nucléaire civil, classé « vert » dans la taxonomie européenne ?

La proximité de la présidence française de l’Union européenne accroît le péril. Car un Président qui a échoué sur tout en France cherche la porte de sa réélection dans la posture de maître de l’Europe que ses chers amis allemands, néerlandais et autres sont prêts à lui laisser prendre, à condition d’en payer le prix. Ce prix, les Français le paieront, et longtemps. Troquer l’indépendance stratégique de la France pour l’impossible indépendance de l’Union européenne (les autres pays de l’Union n’en veulent pas) ; troquer le siège de la France au Conseil de Sécurité contre la complaisance de l’Allemagne pour un dérapage budgétaire inédit ; nous n’en sommes qu’au début des abandons calculés et des renoncements électoraux.

Barack Obama et Angela Merkel, lors d’une conférence à Berlin, le 19 juin 2013. (photo Kevin Lamarque. Reuters)

Car n’est pas l’Allemagne qui veut, et il n’y aura pas de « Mittelstand » français tant qu’un système bancaire diversifié, régionalisé et indépendant des pressions américaines n’aura pas été recréé par la scission des monstres centralisés créés dans les années 90.

Car n’est pas l’Allemagne qui veut, et la France dépourvue de la puissance monétaire, industrielle et technique, devrait mobiliser toutes les ressources de sa force militaire et nucléaire pour parler le langage de la force à ceux qui ne comprennent rien d’autre — grâce au général de Gaulle, et pour la première fois depuis 1815, la France dispose d’une supériorité absolue sur l’Allemagne ; qu’elle n’en fasse rien sera durement jugé par l’histoire. Et le déclassement de la France vient moins des manœuvres de faux alliés ou de prétendus amis, que de sa propre complaisance, de son aveuglement stratégique, et de son refus obstiné de comprendre que l’Union européenne est un champ de bataille comme un autre, et qui ne connaît que la loi de la guerre ; malheur aux perdants !

Catégories : Géopolitique

1 commentaire

Ouaip · 3 octobre 2021 à 19 h 48 min

Très étonné M.Juvin que l’on ne vous enttendevni ne vous voie nulle part pour aider Marine Le Pen par le biais de vos analyses à contrer Zemmour

Auriez vous déjà changé de camp ?

Bonne journée

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